Bonjour, bonsoir.
Je viens à vous aujourd'hui pour dénoncer un grand crime, commis le Vendredi 18 Mai 2012 dans la Province canadienne de Québec.
Le
Parti Libéral du Québec (PLQ), actuellement au pouvoir avec une
majorité relative à l'Assemblée nationale, est confronté depuis Février
2012 à une crise sociale sans précédent dans l'Histoire du Québec. Cette
crise a pris naissance lors de l'annonce par le PLQ d'une augmentation
de 82% des frais de scolarité collégiaux et universitaires, sous un
prétexte d'équilibre budgétaire.
Cela
aurait pu s'arrêter là, des négociations auraient pu s'ouvrir, des
compromis trouvés, la crise résolue. Mais le Premier Ministre Jean
Charest et la Ministre de l'Éducation Line Beauchamp n'ont même pas
daigné commenter le mouvement étudiant naissant, pas même lorsque
300.000 personnes en colère inondèrent les rues de Montréal le Jeudi 22
Mars 2012. À population comparée, c'est comme si 2,5 millions de
Français manifestaient à Paris. Ce qui en fait la plus grande
manifestation de l'Histoire du Québec.
Ainsi,
la situation s'est détériorée, encore et encore, semaines après
semaines, le spectre d'une session blanche se profilant de plus en plus.
Alors enfin, seulement, les négociations se sont ouvertes. Pour tenter
de diviser le mouvement étudiant en fait, sans succès. Le gouvernement
était prêt, selon lui, à négocier sur tout, sauf les frais de scolarité,
lors même que l'origine du problème est là.
Lundi
14 Mai 2012, la ministre Beauchamp démissionne. Michelle Courchesne lui
succède, les grévistes attendent de voir... Pour constater que c'est
bel et bien Jean Charest qui fait fi du peuple québécois, qui parle, qui
s'accroche au pouvoir et tente de l'exercer de façon dirigiste. Des
injonctions judiciaires (sur commande du PLQ) au fondement légal
incertain, créant de dangereux cas de jurisprudence dans le Code du
Travail, veulent forcer le retour au travail, des manifestations
dégénèrent (comme à Victoriaville où les forces de l'ordre ont ouvert le
feu sans sommation, faisant des dizaines de blessés dont certains
graves voire critiques). Néanmoins, les négociations se poursuivent. Il
ne reste alors que quelques jours avant que les sessions ne soient
déclarées blanches.
Et
j'en arrive à l'heure du crime. Hier, Jeudi 17 Mai 2012, le
gouvernement annonce la mise en débat d'une loi spéciale, la Loi 78.
Cette loi, dont vous trouverez le texte dans le lien ci-joint (http://profscontrelahausse.org/wp-content/uploads/2012/05/12-078sf.pdf),
donne les pleins pouvoirs au Ministre de l'Éducation (quel que soit le
sujet, d'ailleurs, si elle a envie de frapper les pompiers de Québec
contestataires, elle le peut), reporte la session d'Hiver 2012 au mois
d'Août (et avec elle le problème), interdit les rassemblements de plus
de 50 personnes non autorisés par la Police, donne au policiers une
large marge de manœuvre pour réprimer les manifestations (si besoin par
la force), interdit le port du Carré Rouge (discret morceau de tissu
épinglé au vêtement, symbole des grévistes, que j'arbore moi-même) en
public, déclare les associations étudiantes responsables de toute action
se déroulant en marge d'un évènement quelconque, déclare délictueux les
dialogues sur la grève dans les réseaux sociaux, et frappe d'amendes
allant de 1.000$can à 50.000$can tout contrevenant, personne ou
association.
Jamais,
dans l'Histoire du Québec et rarement dans celle de la Démocratie, un
gouvernement aura pris des mesures d'une telle férocité répressive.
D'autant plus que cette loi est inconstitutionnelle et contraire à la
Charte des Droits & Libertés et même à la Déclaration universelle
des Droits de l'Homme, ce qui met plutôt mal à l'aise venant d'une
démocratie. On veut nous faire croire que la loi ne vise que les
étudiants. Mais quand on y regarde de plus près, c'est les droits de
tous les Québécois qui sont bafoués tant le texte est à la fois
terriblement précis sur les mesures à prendre et terriblement flou sur
l'étendu des personnes visées. Même le Barreau de Québec, qui n'est
pourtant pas connu pour son amitié envers le mouvement étudiant, a
déclaré que cette loi était "illégale" et l'a dénoncée. À noter que même
les étudiants hostiles à la grève ont dit que la loi allait beaucoup
trop loin. Les professeurs ont exprimé leur indignation,
particulièrement les historiens qui ont soulignés que de telles mesures
ne s'étaient pas vues depuis la Crise d'Octobre 1970 (enlèvement et
meurtre d'un ministre par un groupe terroriste souverainiste) et encore,
et qu'il s'agit d'une atteinte "historique" aux libertés.
Pourtant,
cette loi "spéciale", répressive, anticonstitutionnelle, "matraque",
inique et en fin de compte inutile, a été votée le Vendredi 18 Mai 2012 à
17h22. À 19h, Son Excellence le Lieutenant-gouverneur de la Province
canadienne de Québec, représentant de Sa Majesté la Reine Elizabeth II
de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (mais nommé par le Premier
Ministre Jean Charest), a sanctionné la Loi 78.
Voilà.
Je vous encourage à lire le texte de loi mis en lien plus haut pour
vous rendre compte de son absurdité et de son incompatibilité avec les
libertés fondamentales d'expression et de pensée. Je ne vous demande
rien, pas même de transmettre (si ça vous chante, faites-le). C'était
juste pour vous aviser que, dans un coin de l'Amérique du Nord, une
province, un pays qui faisait la fierté de la Francophonie est en train
de devenir un État policier, mené par un gouvernement répressif avide de
pouvoir et hargneux envers son propre peuple. Cette atteinte à la
démocratie, au cœur d'un pays qu'on regarde comme un État-Providence,
méritait d'être soulignée.
Nous ne nous laisserons pas faire et nous lutterons, pied à pied, pour défendre nos droits et nos libertés.