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lundi 18 juin 2012

Juin 1832-Juin 2012 : 180 ans de l'Insurrection républicaine des "Misérables". Interlude.

Un extrait de la comédie musicale "Les Misérables" (1980), plus précisément du concept-album. Paroles de Alain BOUBLIL (1941- ) et Jean-Marc NATEL sur une musique de Claude-Michel SCHÖNBERG (1944- ). "À la volonté du Peuple", chanté par Enjolras dont la voix sur l'album est celle de Michel SARDOU (1947- ).


Juin 1832-Juin 2012 : 180 ans de l'Insurrection républicaine des "Misérables". 3°) 5 Juin 1832, un cortège dégénère.

Le 1er Juin 1832 mourrait à Paris (encore du choléra) un héros des guerres de la Révolution française et du Premier Empire français, un opposant farouche à la Restauration, un temps exilé, pardonné en 1830, et qui avait la réputation d'être républicain (dans les faits, il était plutôt libéral) : le général Jean Maximilien LAMARQUE (1770-1832).


Ses funérailles s'annoncent comme tendues pour les forces de l'ordre. Des milliers de personnes sont attendues, l'insurrection couve, une seule étincelle peut enflammer Paris, et particulièrement le très populaire Faubourg Saint-Antoine que le cortège doit traverser.

Dans la foule, on retrouve les Amis de l'ABC au complet, à l'exception notable de Marius, qui entreprend une démarche désespérée auprès de son grand-père pour qu'il consente à son union avec Cosette. Cosette qui, pendant ce temps, déménage temporairement avec Jean VALJEAN (pour cause de resserrement trop étroit de la surveillance policière au goût du forçat évadé) dans un appartement sis rive droit de la Seine, au numéro 7 Rue de l'Homme armé (aujourd'hui n°40 Rue des Archives), juste au nord du Quartier Saint-Merry.

Les funérailles commencent. Le cortège, sous très haute surveillance et serré de près par la Garde nationale, doit quitter la demeure parisienne extra-muros du général (rive droite) pour l'amener au Cimetière du Père Lachaise (rive gauche). Les premiers incidents ont lieu à la Porte Saint-Martin, où un Sergent de Ville fut apparemment blessé par un coup d'épée. Place de la Bastille, alors que le cortège ne devait que traverser la place, la foule compacte agitant des drapeaux tricolores le force à effectuer plusieurs fois le tour de la Colonne Vendôme. C'est ensuite les élèves de l’École Polytechnique qui égaient le cortège aux cris de "Vive la République !". Lentement, devant une foule de plus en plus nombreuse et sous des averses orageuses de juin, le corbillard progresse vers le Pont d'Austerlitz. Une fois arrivé à l'esplanade, juste avant de traverser la Seine, le vieux La Fayette (ci-dessous) fait ses adieux au général LAMARQUE. C'est à cet instant que tout dégénère.


Un cavalier surgit d'une ruelle non loin du cortège. Légitimiste ? Républicain ? Dans tous les cas, c'est lui qui donne le coup d'envoi de l'insurrection. Le cavalier, (que la légende a retenu comme étant vêtu de noir), porte fièrement le drapeau rouge qu'il va ficher sur le corbillard en forçant le cordon des Gardes nationaux, avant de disparaître aussitôt. Il est environ 17h.

Un cri emporte la foule : "Vive la République ! LAMARQUE au Panthéon ! La Fayette à l'Hôtel de Ville !". Sitôt dit, sitôt fait. La foule force le cordon des Gardes nationaux et s'empare du corbillard qu'elle commence à pousser sur le pont pour traverser la Seine. Dans le même temps, le fiacre de La Fayette (dans lequel son propriétaire a juste eu le temps de monter) est poussé par la ferveur populaire sur les quais en direction de l'Hôtel de Ville.

Les deux mouvements ne vont pas loin. Le 6ème Régiment de Dragons (cavalerie entraînée aussi bien au coup de feu qu'au coup de sabre) était prêt. De l'autre côté du Pont d'Austerlitz, une ligne de cavalier vient barrer l'ouvrage, coupant net la route au corbillard. La foule s'arrête prudemment au milieu du pont. Sur les quais, même spectacle, des cavaliers viennent barrer le Quai Morland sur lequel s'avancent les Parisiens emmenant le vieux marquis. Mais La Fayette, qui veut se tirer de ce guêpier (au courant des manigances légitimistes et de l'insurrection qui se prépare mais trop vieux pour tout ça), pousse son fiacre en avant et les Dragons le laissent passer (il quittera Paris durant la nuit pour retourner dans son Auvergne natale). La foule est au contact des Dragons.


Si l'on en croit le Poète dans le cinquième chapitre ("Un enterrement : occasion de renaître") du dixième livre ("Le 5 Juin 1832") de la quatrième partie ("L'idylle Rue Plumet et l’Épopée Rue Saint-Denis") de son œuvre, on ne sait trop si une charge fut entendue du côté de l'Arsenal ou qu'un enfant frappa d'un coup de couteau le cheval d'un Dragon. Néanmoins, trois coups de feu claquèrent (faut-il encore y voir la main des Légitimistes décidés à lancer l'insurrection ?), tuant un officier de cavalerie, une femme et blessant un soldat. C'est alors que, débouchant dans le dos des manifestants Quai Morland, un régiment de Dragons chargea la foule sabre au clair.

La foule ne se laissa pas faire et ne se dispersa pas. Elle se retrancha sur l'Île des Louviers (aujourd'hui comblée et comprise entre le Quai Henri IV et... le Boulevard Morland) et ses chantiers, quelques barricades furent bâties à la hâte, pas assez néanmoins pour arrêter la Troupe. Une fusillade éclata, les deux camps ne se dispersèrent que pour mieux se rassembler. Cliquer pour agrandir.



Côté émeutier, le rassemblement se fit un peu plus au nord-est, dans le Quartier Saint-Merry. Mais l'émeute tournait à l'insurrection. Ce n'était plus un quartier qui s'enflammait soudain. C'était bel et bien Paris qui sursautait. Les armureries sont pillées, les insurgés se trouvent des chefs dans les sociétés secrètes, ces chefs s'organisent dans un Quartier Général (Q.G.) au Cloître Saint-Merry, des drapeaux rouges sont hissés partout dans Paris, quelques drapeaux noirs sont aperçus, ainsi que des drapeaux tricolores frappés d'une crêpe noire en signe de deuil. Les Légitimistes tirent comme prévu leur épingle du jeu, se mêlent aux Républicains, leurs fournissent les armes qu'ils se sont procurées par leurs manœuvres occultes du mois précédent, et alimentent le feu insurrectionnel.

La Garde nationale, qui en se ralliant aux insurgés de 1830 avait décidé du sort de Charles X, hésite, tergiverse, et finalement se divise. Une part des Gardes nationaux reste fidèle au régime, l'autre se mêle à la foule. Il faut dire que la Garde nationale est un organe paramilitaire au service de l'État, composé de volontaires, tous issus de la bourgeoisie car il faut payer son équipement (uniformes, fusil, munitions et rations), ce qui est onéreux. Créée en 1790, elle sera dissoute en 1871 (après la Commune de Paris où, alors composée d'ouvriers du fait du désespoir de la situation de la Guerre de 1870, elle s'empara de Paris et prit le parti des Communards en en composant l'armée). La Garde nationale, donc, se partage entre les deux camps.


Louis-Philippe, alors au Château de Saint-Cloud, est prévenu et rentre immédiatement à Paris où il organise la contre-insurrection. Il passe en revue la Troupe, les soldats de l'Infanterie de Ligne et la Garde nationale restée fidèle. Sur la rive gauche, les quelques foyers insurrectionnels sont vite éteints. Quelques postes de la Garde nationale hésitants ou en mauvaise posture face à quelques centaines d'insurgés, sont libérés par la Troupe qui disperse, arrête ou repousse rive droite les émeutiers. Bien vite, l'insurrection est contenue dans le quartier Saint-Merry, qui est alors assiégé et se couvre de barricades.

Il est environ 21h. Marius arrive Rue Plumet, dépité par le refus de son grand-père. Il trouve maison close. Cosette lui avait laissé une lettre dans le jardin, expliquant qu'elle s'installait temporairement avec son "père" dans un appartement sis au numéro 7 Rue de l'Homme armé. Cette lettre a été volée par Éponine THÉNARDIER, amoureuse de Marius. Doublement dépité, Marius se décide à rejoindre ses amis sur les barricades.

Cependant, l'insurrection démarre mal. Là où Paris semblait vouloir se soulever tout entier, emmené par la ferveur des funérailles de LAMARQUE, les insurgés se retrouvent finalement peu nombreux et assiégés dans un unique quartier. Paris ne semble pas vouloir leur venir en aide. Le peuple n'est pas à ce point mécontent du règne tout neuf de Louis-Philippe et se trouve quelque peu lassé des insurrections à répétition. Légitimistes et Républicains exaltés (pas tous les Républicains, certains désavouent ce mouvement qu'ils jugent prématuré) sont seuls.

mercredi 13 juin 2012

Juin 1832-Juin 2012 : 180 ans de l'Insurrection républicaine des "Misérables". Interlude.

Bande originale de la mini-série "Les Misérables" (2000) en quatre épisodes, de Josée DAYAN (1947- ), avec Gérard DEPARDIEU (1948- ) dans le rôle de Jean VALJEAN, et avec John Gavin MALKOVICH (1953- ) incarnant l'inspecteur Javert. La musique est de Jean-Claude PETIT (1943- ).




mardi 12 juin 2012

Juin 1832-Juin 2012 : 180 ans de l'Insurrection républicaine des "Misérables". 2°) Mai-Juin 1832, les frémissements.

Je tiens à m'excuser pour le retard pris sur le blogue et dans cette série. J'ai eu un travail d'importance à rédiger qui m'a occupé toute la semaine passée.

L'année 1831 voit pour la première fois Paris s'agiter sous le règne de Louis-Philippe. Une révolte ouvrière éclate et est réprimée dans le sang. Sur les barricades, de plus en plus de drapeaux rouges et quelques drapeaux noirs.

Le drapeau rouge est originellement une menace, un avertissement envoyé à des insurgés barricadés (ou plus rarement à l'ennemi sur un champ de bataille régulier) qui signifie qu'il n'y plus de reddition possible, fuyez ou mourrez mais aucun quartier ne sera fait lors de l'assaut. Cet avertissement commence à être repris par les insurgés eux-mêmes dans les années 1790, signifiant que la barricade qui l'arbore se battra jusqu'à la mort. Par ailleurs, Louis-Philippe ayant rétabli le drapeau tricolore bleu-blanc-rouge, celui-ci n'est plus utilisable par les insurgés, pour cause de risque de malentendu sur quel camp est quoi. Le drapeau rouge devient alors le symbole de la révolte, quelle que soit son opinion (exception faite des insurrections royalistes qui utilisent le drapeau blanc fleur-de-lysé). Les ouvriers, les républicains, les libéraux, les bourgeois, se battent tous sous le drapeau rouge en cas de révolte. Le drapeau rouge est donc le grand symbole révolutionnaire du XIXème siècle en Europe, devient peu à peu le symbole de la lutte ouvrière lorsque les républicains se séparent du mouvement ouvrier qu'à partir de 1848 et ne prend sa connotation socialo-communiste que dans les années 1880.


Le drapeau noir est la grande nouveauté de l'année 1831. Toutes les révoltes ouvrières l'arborèrent, symbole de désespoir et de misère, plus rien à perdre. L'anarchie le récupérera au fil du siècle avant qu'il n'en devienne le symbole officiel sur proposition de Louise MICHEL (1830-1905) en 1882 pour se dissocier du Socialisme et du Communisme à tendance parlementaire.

La Monarchie de Juillet est une monarchie parlementaire bicamérale, dont le Parlement est composé d'une Chambre des Pairs (Chambre haute) et d'une Chambre des Députés (Chambre basse). Les Pairs de France sont nommés par le Roi mais ne sont pas forcément nobles, l'hérédité de la charge est également supprimée sous Louis-Philippe. La Chambre des Pairs a pour rôle d'amender et de confirmer (ou d'annuler) les lois de la Chambre basse, ou de supplier le Roi d'intervenir. La Chambre des Députés se doit de rédiger et proposer les lois. Les Députés sont élus au suffrage censitaire par des électeurs masculins de plus de 21 ans et s'acquittant d'une somme certaine (assez élevée pour exclure la petite bourgeoisie et le monde ouvrier et agricole du système de vote).

En 1832, le gouvernement est aux mains des Monarchistes orléanistes (partisans de Louis-Philippe et d'un pouvoir accru de ce-dernier), menés par le banquier Casimir PÉRIER (1777-1832). L'opposition se compose alors pour l'essentiel de Libéraux, d'assez nombreux Monarchistes légitimistes ou Carlistes (partisans de Charles X en exil et farouches opposant à la branche usurpatrice d'Orléans, encore pire que Bonaparte puisqu'elle trahit la famille royale légitime des Bourbons), et d'un petit nombre de Républicains.

La mode en ce début de milieu de XIXème siècle est aux sociétés secrètes. Étudiantes, républicaines, corporatistes, carlistes ou libérales, le plus souvent bourgeoises, elles se targuent d'idéaux et de complots. C'est surtout un bon prétexte pour se donner du frisson et faire ripaille lors de banquets réguliers. La plupart sont inoffensives voire temporaires, mais d'autres sont plus militantes et plus dangereuses.

Les Amis de l'ABC est l'une de ses sociétés secrètes étudiantes, au demeurant peu dangereuse mais déterminée, à forte tendance républicaine. "ABC" pour dire "Abaissé", en parlant du peuple, qu'il faut donc relever. Son chef est Enjolras, beau garçon, fortuné, révolutionnaire dans l'âme, républicain farouche, héritier direct des Montagnards de la Révolution française, du Comité de Salut public (1793-1794), de Louis Antoine de SAINT-JUST (1767-1794) et de Maximilien Marie Isidore de ROBESPIERRE (1758-1794). Le second est Combeferre, philosophe et penseur républicain. Il y a aussi Courfeyrac, fils d'un bourgeois qui se croit noble, haïssant profondément sa classe, meneur d'homme et soutien indéfectible d'Enjolras. Ils sont le cœur de la société. Les autres membres en sont: Jean PROUVAIRE (poète pacifiste mais républicain), Feuilly (ouvrier misérable qui veut changer le monde, a une admiration sans borne pour les insurgés polonais et le droit des peuples de disposer d'eux-mêmes), Bahorel (bourgeois paysan flâneur, éternel étudiant en droit, égocentrique mais non point égoïste), LESGUEULES ou LESGLE, dit Laigle de Meaux mais surnommé Bossuet par ses comparses (le plus vieux de la troupe, noble désargenté et particulièrement malchanceux, étudiant en droit), Joly (étudiant en médecine... hypocondriaque), et Grantaire (sceptique qui ne croit en rien et doute de tout mais suivrait Enjolras jusqu'en Enfer). Enfin, il y a Marius, Baron Pontmercy. Marius, étudiant en droit, noble d'Empire par succession filiale (son père est décédé) mais dont le titre lui a valu d'être mis à la porte sans le sou par un grand-père bourgeois et surtout monarchiste. Depuis, il habite chez Enjolras. Rêveur, tantôt Bonapartiste (en admiration pour son père colonel et Baron d'Empire), tantôt Républicain, tantôt amoureux tantôt engagé, il partage son temps entre ses études qu'il suit assidument, le Café Musain, et la Rue Plumet (rive gauche de la Seine, non loin à l'ouest de Montparnasse, aujourd'hui en pleine ville mais à l'époque dans les faubourgs campagnards de Paris) où habite l'élu de son cœur: Euphrasie "Cosette", la fille adoptive de Jean VALJEAN qui se cache alors à Paris. (3ème partie: Marius. Livre quatrième: Les Amis de l'ABC. Chapitre I: Un groupe qui a failli devenir historique.)

La société secrète se réunit dans l'arrière-salle du Café Musain. Ce fut à l'époque effectivement un café à l'angle de la Rue des Grès, siège de la Société secrète Les Amis du Peuple, où le drapeau rouge sera hissé sans plus d'agitation lors de l'Insurrection de 1832. C'est aujourd'hui une centre de la Mutuelle Générale de l'Éducation Nationale (MGEN), au numéro 51 du Boulevard Saint-Michel, à l'angle de la Rue Cujas, rive gauche de la Seine, non loin au nord-est du Jardin du Luxembourg.

Vous constaterez que le Paris de 1830 n'est pas celui d'aujourd'hui. Le baron Georges Eugène HAUSSMANN (1809-1891) n'est pas encore passé par là pour tracer ses grands boulevards, ses grandes lignes droites et ses immeubles sous le Second Empire français (1851-1870). Vous constatez également les solides remparts qui entourent la ville... et son accès immédiat à la campagne environnante, chose qu'on a du mal à imaginer de nos jours avec toutes les villes-banlieues qui se sont développées en Île-de-France depuis les années 1960. Le plan ci-dessous est du géographe Gilles Robert de VAUGONDY (1688-1766) et date de 1760. Les modifications entre 1760 et 1832 sont peu nombreuses, exception faite de quelques ponts que nous retracerons. Cliquez pour agrandir.

Au Printemps 1832, une épidémie de choléra frappe Paris, emportant 18.000 personnes dans la mort (dont le Président du Conseil Casimir PÉRIER). Des mesures draconiennes sont prises pour enrayer l'épidémie, on parle d'empoisonnement, le peuple a peur et gronde.

Le 22 Mai 1832, le banquier (ci-dessous) Jacques LAFFITTE (1767-1844), chef de l'opposition libérale, convie chez lui trente-neuf représentants de l'opposition libérale, légitimiste et républicaine pour rédiger un Compte-Rendu expliquant les intentions de vote des députés et expliquant leur politique. Mais rapidement, le manifeste se transforme en une véritable charge contre le Ministère Périer (toujours en place malgré la mort du Président du Conseil) et sa politique par trop orléaniste et centralisatrice des pouvoirs. Néanmoins, rien de cet opuscule ne remet en cause la Monarchie parlementaire, entendu que "la France de 1830 a pensé, comme celle de 1789, que la monarchie entourée d'institutions populaires n'avait rien d'inconciliable avec les principes de Liberté". Pourtant, le livret attaque violemment Louis-Philippe, juge que sa légitimité ne tient plus et fustige les attaques contre les libertés. Dans la conclusion se trouve la phrase qui va mettre le feu aux poudres : "Pour nous, unis dans le même dévouement à cette grande et noble cause pour laquelle la France combat depuis quarante ans, [...] nous lui avons consacré notre vie, et nous avons foi dans son triomphe.". Rien n'appelle explicitement à la révolte et le mot "République" n'est jamais écrit.

Le Compte-Rendu enfièvre Paris. Toutes les sociétés républicaines se prennent à rêver de révolution et s'y préparent, repèrent les quartiers à barricader, échafaudent des plans de bataille, se tiennent prêts à la révolte. Les légitimistes ne sont pas en reste. En médaillon ci-dessous, Alexandre Louis Honoré LEBRETON-DESCHAPELLES (1780-1847), en liaison directe avec la cour de Charles X en exil, chef de la société secrète La Gauloise et champion d'échecs renommé, entame là sa plus ambitieuse partie d'échecs: armer une insurrection républicaine pour la faire tourner au profit des Légitimistes et précipiter le retour de Charles X au pouvoir, comme la révolution de 1830 avait fini par porter au pouvoir Louis-Philippe. Sur un malentendu, ça peut marcher... Le voilà donc à financer l'armement de plusieurs sociétés secrètes républicaines et de rassembler les Légitimistes pour paver la voie à Charles X sans qu'il faille combattre. Charles X, mis au courant, s'appuie alors sur le très connu et respecté écrivain légitimiste François-René vicomte de Chateaubriand (1768-1848) pour enflammer les journaux et les esprits et préparer la révolte. Par ailleurs, ils ont l'appui des Libéraux en la personne ultra-populaire et indéboulonnable de Gilbert du MOTIER, Marquis de la Fayette (1757-1834), héros de la Guerre d'Indépendance des États-Unis d'Amérique (1775-1783), de la Révolution française (1789-1793) et même de la Révolution de 1830, c'est lui qui a présenté Louis-Philippe au peuple de Paris. À noter qu'il s'agit du second essai des Légitimistes pour reprendre le pouvoir rien que dans l'année 1832. En Avril, un débarquement en Provence doublé d'un soulèvement en Vendée avaient échoués.


Tout cela n'échappe pas à la police qui reste relativement impuissante. Le délit d'opinion n'existe pas, il est impossible d'arrêter arbitrairement ceux qui préparent des troubles (ce qui du reste pourrait bien mettre le feu aux poudres, ce que Louis-Philippe veut éviter à tout prix). La police se borne alors à resserrer la surveillance autour des sociétés secrètes dès la fin du mois de Mai 1832. L'inspecteur Javert est envoyé au Café Musain pour espionner et si possible infiltrer le cercle des Amis de l'ABC.

Les forces de l'ordre sont sur les dents. Tout semble prêt pour l'insurrection. Louis-Philippe prend la décision de renforcer la Garde Nationale de Paris par les Régiments de Ligne tenant caserne hors des murs: le 5ème et le 38ème. Les régiments entrent dans la capitale le 1er Juin 1832, en renfort pour encadrer les obsèques du jeune Évariste GALOIS (1811-1832), mathématicien de génie et père des mathématiques modernes, Républicain convaincu et engagé, tué lors d'un duel d'honneur (amoureux) au pistolet le 31 Mai 1832.



Pour l'anecdote, il s'agissait d'un duel à vingt-cinq pas et un coup, l'une des armes étant chargée à blanc. GALOIS a manqué de chance et son adversaire s'est montré trop zélé, la tradition voulant que dans ce genre de duel on blesse sans tuer (au premier sang). Les Républicains étaient réputés pour leur tendance à se défier en duel à tout bout de champ.


Le cortège funèbre du 2 Juin 1832 est immense, plusieurs milliers de personnes, la ferveur républicaine est palpable, une manifestation éclate mais ne dégénère pas. Le Préfet de Police souffle, ce n'est pas pour cette fois, Paris n'allait pas se soulever pour un étudiant en mathématiques. Mais la tension ne retombe pas. Les Républicains ont testé leur nombre et leurs troupes, ils se sentent prêts. Ne manque plus qu'une étincelle.

mardi 5 juin 2012

Juin 1832-Juin 2012 : 180 ans de l'Insurrection républicaine des "Misérables". 1°) Contexte.

L'élément central de l’œuvre de Victor Marie HUGO (1802-1885), la clef de voute du roman "Les Misérables" (1862) se trouve dans le passage de l'insurrection républicaine et des barricades de la Rue Saint-Denis, point où convergent les destinées et les personnages, apothéose tragique de l'histoire, d'où découlera le bonheur des innocents (Euphrasie "Cosette" & le baron Marius PONTMERCY), le malheur des misérables (Jean VALJEAN & les THÉNARDIER), la disparition héroïque des illusions et des personnages secondaires (Gavroche THÉNARDIER, Enjolras, Mabeuf, les Amis de l'ABC).

Remise en contexte de ce pan d'Histoire oublié, révolte parisienne parmi tant d'autres mais devenue immortelle grâce au Poète. Les passages en gras-italique concernent le roman.

1789: Révolution française. L'Ancien Régime de la Monarchie française, monarchie absolue, est renversé. La Forteresse de la Bastille est prise le 14 Juillet (ci-dessous). En Août, les privilèges féodaux et seigneuriaux sont abolis. Auguste Louis XVI de BOURBON (1754-1793), Roi de France et de Navarre (1774-1791) est contraint d'abandonner le Château de Versailles pour le Palais des Tuileries, au centre Paris et de son peuple, où il doit gouverner en composant avec l'Assemblée nationale. Le Royaume de France devient une Monarchie parlementaire constitutionnelle (Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen).
1791: Louis XVI est contraint et forcé, suite à sa fuite ratée en Septembre, de devenir Roi des Français (1791-1792) et ses pouvoirs sont encore réduits. Louis XVI est alors le chef du Pouvoir exécutif, le pouvoir législatif étant aux mains de l'Assemblée nationale.
1792: Louis XVI, soupçonné à raison de collusion avec les autres monarchies d'Europe coalisées contre la France révolutionnaire envahie de toute part, est suspendu de ses fonctions et arrêté en Août lors de la prise sanglante du Palais des Tuileries. Le 20 Septembre, les armées françaises repoussent l'invasion étrangère à la Bataille de Valmy. Le 21 Septembre, la Ière République française est proclamée.
1793-1794: Le Comité de Salut public instaure la Terreur pour éradiquer l'ennemi intérieur et gouverner la guerre aux frontières et les révoltes contre-révolutionnaires internes.
1795: Jean VALJEAN, arboriste émondeur sans le sou, est arrêté pour vol avec effraction. Il avait volé un pain pour nourrir sa sœur et ses sept neveux. Il est condamné à 5 ans de travaux forcés au Bagne de Toulon.
1799: Le 9 Novembre, le très populaire général Napoléon BONAPARTE (1769-1821) fomente un coup d'État et renverse le Directoire, organe dirigeant de la République. Il est "élu" Premier Consul de la Ière République française.
1803: Le Bagne de Toulon se voit attribuer un nouvel officier à la chiourme, un certain Javert, fils de forçat aux idées très arrêtées sur le devoir des hommes, la justice et l'âme des délinquants qu'il pense irrécupérables. Bien vite, il se met à dos Jean VALJEAN.
1804: Couronnement de Napoléon Ier BONAPARTE, Empereur des Français (1804-1814 ; 1815). Fin de facto de la Ière République française.
1804-1814: Premier Empire français.
1806: Naissance de Marius PONTMERCY.
1814: Napoléon abdique suite à l'invasion du territoire national par les armées européennes coalisées. Xavier Stanislas Louis de BOURBON (1755-1824), Comte de Provence (1755-1795), frère du défunt Louis XVI, revient à Paris devient pour de bon Roi de France et de Navarre (1814-1815 ; 1815-1824) sous le nom de Louis XVIII dit "le Désiré", titre qu'il possède en exil depuis 1795. Napoléon est nommé Roi de l'Île d'Elbe, au large de l'Italie, et exilé.
1814-1815: Première Restauration de l'Ancien Régime de la Monarchie française. Louis XVIII rétablit la monarchie absolue et efface les acquis de la Révolution française, dont il n'est pas question de parler.
1815: Le peuple français est tellement mécontent de la situation que Napoléon, sentant la situation favorable, débarque en Provence le 1er Mars. En quelques semaines, il est à Paris, Louis XVIII s'enfuit, Napoléon récupère son trône, le Premier Empire français est proclamé de nouveau, début des Cent Jours. Le 18 Juin, Napoléon échoue de nouveau face à l'Europe coalisée à la Bataille de Waterloo (ci-dessous), où le cantinier THÉNARDIER sauve la vie au Baron-Colonel de PONTMERCY, en dépouillant des cadavres... Forcé à l'abdication, Napoléon est fait prisonnier et emmené à l'Île de Sainte-Hélène, dans l'Océan Atlantique Sud, loin, très loin de la France...
1815-1830: Seconde Restauration de la Monarchie française.
1815: Naissance d'Euphrasie "Cosette". En Octobre, Jean VALJEAN est finalement libéré après 19 ans, peine allongée à cause de ses évasions répétées. À Digne, alors qu'il s'apprête à voler monseigneur Charles François Bienvenu MYRIEL, évêque chrétien catholique apostolique et romain de la ville (et Baron d'Empire), celui-ci lui donne son argenterie et ses chandeliers, rachetant son âme au Diable et lui montrant le chemin du Bien. Troublé, Jean VALJEAN commet un dernier méfait qui l'horrifie, il vole un pièce à un enfant ramoneur, Petit Gervais. Plus jamais il ne fera le mal dans sa vie.
1815-1824: Règne effectif de Louis XVIII, qui ne commet pas la même erreur que lors de son premier retour. Il ne tente plus d'effacer les acquis de la Révolution et instaure une Monarchie parlementaire régie par la Charte de 1814, qui conserve certains des acquis de la Révolution. Cette situation déplaît fortement à Charles-Philippe de BOURBON (1757-1836), Comte d'Artois (1757-1824), dernier de la fratrie de Louis XVI et Louis XVIII, qui s'oppose à son frère et prône un retour à la Monarchie absolue, d'où l'expression "plus royaliste que le roi".
1817: Fantine, la mère de Cosette, est abandonnée par le père de son enfant. Fauchée, elle rentre chez elle à Montreuil-sur-Mère et laisse au passage Cosette, en échange d'une rente mensuelle démesurée, chez des "braves" gens, les THÉNARDIER, aubergistes à Montfermeil.
1820: Naissance de Gavroche THÉNARDIER, que ses parents n'aiment pas. Il se retrouve vite à la rue et devient la figure emblématique du Gamin de Paris.
1823: Jean VALJEAN, sous le nom de Monsieur Madeleine, a renouvelé l'industrie de Montreuil-sur-Mer et a fait sa fortune et celle du pays. Devenu maire de la ville, il a comme Inspecteur de Police Javert... qui a des soupçons. Un pauvre bougre arrêté à Arras est pris pour Jean VALJEAN, recherché depuis l'affaire Petit Gervais, et risque la peine maximale. Jean VALJEAN se dénonce pour le sauver. Il promet à Fantine, mourante, de s'occuper de sa fille, se fait arrêter par Javert et retourne au Bagne de Toulon dont il s'évade. Il rachète Cosette aux THÉNARDIER et va se cacher à Paris.
1824-1830: Après le décès de Louis XVIII, son frère monte sur le trône sous le nom de Charles X dit ironiquement "le Bien-Aimé", Roi de France et de Navarre (1824-1830). Il se fait sacrer en grandes pompes et à l'ancienne dans la Cathédrale de Reims en 1825. Durant son règne ultraroyaliste, il revient peu à peu sur tous les articles de la Charte de 1814 et restreignant la liberté. C'était sous-estimer les acquis de la Révolution française.
1829: Jean VALJEAN, toujours en fuite sous le nom d'Ultime FAUCHELEVENT, achète une grande maison bourgeoise avec jardin Rue Plumet, et loue un petit appartement de secours, n°7 Rue de l'Homme armé, le tout à Paris. Le baron Marius PONTMERCY, élevé dans une famille royaliste, en est chassé pour ses idées, rejoint des amis étudiants dans la société secrète républicaine Les Amis de l'ABC (jeu de mots sur "abaissé"), rencontre Cosette au Jardin du Luxembourg et en tombe amoureux, début d'une idylle.
27, 28 et 29 Juillet 1830: "Les Trois Glorieuses", Révolution de Juillet 1830. Charles X est chassé du pouvoir et s'enfuit. Mais les Républicains, mal organisés, ne parviennent pas à s'emparer du pouvoir. Les Royalistes libéraux tiennent le haut du pavé et appellent au pouvoir Louis-Philippe d'Orléans (1773-1850), fils de Louis-Philippe Joseph d'Orléans (1747-1793), Duc de Chartres et d'Orléans (1755-1792), qui avait voté la mort de Louis XVI et combattu avec la Révolution. Ci-dessous, "La Liberté guidant le Peuple" (1830), d'Eugène Ferdinand Victor DELACROIX (1798-1863). Remarquez le gamin aux pistolets à droite. Gavroche ? Il aurait eu 10 ans à l'époque.
1830-1848: Monarchie de Juillet, monarchie parlementaire garantie par la Charte de 1830, sous le règne de Louis-Philippe Ier, Roi des Français (1830-1848), qui gagne son surnom de "Roi citoyen" ou de "Roi bourgeois" par sa relative proximité avec le peuple. Le drapeau blanc fleur-de-lysé, symbole de l'Ancien Régime et de la Restauration, est définitivement abandonné au profit du drapeau tricolore bleu-blanc-rouge.

1862-2012 : Les 150 ans d'une œuvre.

Il y a 150 ans était publié l'un des plus grands romans de l'Histoire de la Littérature. Pilier de l’œuvre de son auteur, monument incontournable de la littérature française et même internationale, c'est un livre qu'il faut avoir lu, quelles que soient ses opinions ou ses idées.

"Les Misérables" (1862).


Physiquement, le livre est un véritable pavé, admettons-le, mais un pavé qui se lit bien. 365 chapitres répartis en 48 parties divisant 5 tomes ("Fantine", "Cosette", "Marius", "L'idylle rue Plumet et l'épopée rue Saint-Denis" et "Jean Valjean").

Les misères ont changé, mais elles sont encore là. Les régimes politiques et la démocratie ont évolué, pourtant il reste encore des progrès à faire. Ce roman est encore très actuel. Les écologistes eux-mêmes y trouveraient leur compte par certaines solutions proposées. Reflet d'une époque mais surtout reflet de l'âme humaine qui, elle, ne change pas.

Victor Marie HUGO (1802-1885), dont on a fêté le 23 Février 2012 le 210ème anniversaire, a mis 31 ans à écrire ce roman magistral.

Une grosse moitié du livre est écrite entre 1831 et 1848, après une interruption pour écrire "Claude Gueux" en 1834. Sans surprise, on y retrouve les thèmes de l'âme humaine dans le forçat, les liens entre la misère et la délinquance, la question de la justesse des peines, de l'efficacité de la justice et de la peine de mort, déjà présents dans "Le dernier jour d'un condamné" (1829) et dans "Claude Gueux". On y trouve également des descriptions réalistes et des propositions politiques, organisationnelles ou structurelles de certains problèmes de l'époque.


Puis c'est l'exil, de 1852 à 1870, suite à l'instauration du Second Empire français (1851-1870). D'abord au Royaume de Belgique (1852), puis sur l'Île anglo-normande de Jersey (1852-1855) et l'Île anglo-normande de Guernesey (1855-1870), morceaux d'Angleterre au large des côtes françaises. Il reprend l'écriture en 1855 et l'achève en 1862. De cette époque d'écriture, il ressort surtout les grandes pages lyriques (le fameux Lyrisme hugolien) et nostalgiques propres à l'auteur loin de sa patrie. Le passage de Waterloo, une part non négligeable de l'épopée des barricades, les grandes réflexions internes de Jean VALJEAN et beaucoup de descriptions de Paris (réécrites).


"Les Misérables", bénéficiant de l'amnistie impériale française de 1859, est publié dans l'Hexagone et dans toute l'Europe et rencontre un franc succès, qui ne s'est jamais démenti depuis.

samedi 2 juin 2012

ANNONCE : Annulation du pique-nique de la Société Historique de Québec.

Environnement-Canada annonçant 100% de risque de pluie jusqu'à demain 8h00 et 90% de risques de pluie jusqu'à demain 18h, le pique-nique familial de la Société Historique de Québec (SHQ) prévu demain Dimanche 3 Juin 2012 aux Plaines d'Abraham est annulé.

Nous allons essayer de négocier un report mais ne pouvons rien garantir, les plaines étant très disputées pour les multiples activités estivales, particulièrement en fin de semaine, ce n'est pas gagnée que la SHQ puisse relouer un créneau libre. Nous allons bien voir... La chasse au trésor est gardée en réserve.