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mercredi 4 juillet 2012

Juin 1832-Juin 2012 : 180 ans de l'Insurrection républicaine des "Misérables". 5°) 6 Juin 1832, la répression.

Au matin du 6 Juin 1832, Louis-Philippe est décidé à en finir. Il passe en revue les troupes devant le Château des Tuileries avant de les lancer de nouveau dans la bataille.

C'est d'abord l'artillerie qui entre en scène vers 7h du matin. Les redoutables Pièces de 8 des manufactures Gribeauval, qui sont encore pour deux décennies les meilleurs canons du monde avant que l'allemand Krupp ne révolutionne à nouveau l’artillerie au désavantage de la France. Par batteries uniques ou de deux pièces, les canons sont positionnés face aux barricades. Les premiers tirs à boulet sont sans effet contre ces monstres mous que sont les barricades. Vers 8h, ordre est donné de tirer à mitraille. C'est vicieux mais efficace. Les balles en rafale s'immiscent au travers des protections ou ricochent contre les murs des maisons dans les rues étroites, blessant ou tuant les insurgés imprudents qui ne sont pas mis à couvert contre le pavé ou à l'intérieur des bâtisses. Le pilonnage se poursuit jusqu'à 11h du matin.


Rue de la Chanverrerie, Enjolras et ses compagnons sont rejoints aux petites heures de l'aube par Jean VALJEAN. Fichus pour fichus, les insurgés libèrent de leur devoir cinq hommes. Inutile que quarante hommes périssent là où trente feraient le même travail. Mais pour passer sans risque, il leur faut un uniforme de la Garde nationale. Cinq hommes mais seulement quatre uniformes. Jean VALJEAN offre alors le sien. Le canon se met en place à l'angle de la Rue Saint-Denis. Gavroche atteint la barricade au premier coup de canon. Puis, le brutal se met à tousser à mitraille, fauchant les défenseurs. Pour gagner du temps, Enjolras couche en joue et abat le jeune Sergent d'Artillerie commandant la pièce. De son côté, Jean VALJEAN décoiffe au fusil deux observateurs de la Troupe postés sur un toit, sans les tuer, afin de leur prouver que le point n'est plus sûr et protéger la barricade des regards indiscrets.

À 10h, une compagnie de la Garde nationale charge sur la Barricade des Amis de l'ABC. Quelques salves bien ajustées les massacrent, mais font griller de précieuses cartouches aux défenseurs. De même, cette attaque improvisée a été balayée sur ses arrières par le canon, les artilleurs n'ayant point reçu l'ordre de cesser le feu... Victor HUGO s'inspire en fait d'une attaque lancée sur la barricade de la Rue Saint-Martin, emmenée par un fougueux officier de la Garde nationale qui a attaqué sans ordre, causant la mort d'un grand nombre d'hommes parmi la Troupe.

Vers 10h30, Rue Saint-Denis, le canon ouvre de nouveau le feu au boulet, visant le haut du mur afin d'y ouvrir une brèche. Le 55ème Régiment de Ligne avance alors prudemment, faisant feu tous les cinq pas, obligeant finalement les défenseurs à griller leurs cartouches, puis se replient. Le moral est bon parmi les insurgés mais les munitions sont au plus bas. Gavroche s'élance alors dans le brouillard qui suit les fusillades. Rapidement repéré par les soldats, l'enfant s'amuse à esquiver les tirs tout en ramassant les cartouches dans les musettes des soldats tombés. Une balle finit par l'atteindre à la tête, et il s'effondre en chantant la chanson de l'interlude précédent, fauché à 12 ans par l'Histoire et ses tumultes. Marius sort chercher Gavroche, suivi par Combeferre qui ramasse les munitions.


À 11h, les canons face au Quartier Saint-Merri ouvrent de nouveau le feu à boulet pour ébrécher les barricades en leur sommet. L'assaut final est imminent. Dernières désertions dans le camp des insurgés.

Au Cabaret Hucheloup, Jean VALJEAN reconnaît Javert ligoté, le forçat face au policier, la proie dominant la chasseur. Alors qu'Enjolras veut l'exécuter, VALJEAN se propose. Javert se prépare à mourir et raille VALJEAN qui le menace au pistolet et l'emmène Rue Mondétour. Pourtant, Jean VALJEAN tire en l'air, libère le policier et lui donne même son adresse. Javert en est fort ennuyé mais ne fait pas de vieux os dans les parages.

À 12h, l'assaut général est lancé sur ordre du Maréchal Jean-de-Dieu SOULT (1769-1851), ancien de l'Empire ayant retourné sa veste. Dans le Quartier Saint-Merri, la Troupe attaque sur trois axes : au nord par la Rue Saint-Martin, à l'est par la Rue du Cloître Saint-Merri, au sud par la Rue de la Verrerie. Du côté des Halles, l'assaut est donné depuis la Rue Saint-Denis en plein dans la Rue de la Chanverrerie. Cliquez pour agrandir.


Tout ce que Paris compte de troupes fidèles au Roi se lance dans l'assaut : Infanterie de Ligne (voir article précédent), Garde nationale (voir deuxième article), Gendarmerie royale de Paris (ci-dessous en haut) et même Sapeurs-Pompiers de Paris (ci-dessous en bas) chargés d'élargir la hache les brèches dans les barricades.


Ci-dessous, attaque de la barricade Rue Sainte-Catherine en 1848. Les attaques se font ainsi, en double ligne, au pas de charge, submergeant par le nombre.


La Troupe emporte facilement les barricades du Quartier Saint-Merri, à l'exception de celle de la Rue Saint-Martin, et butte devant le cloître transformé en redoute. Ce bastion insurgé résiste jusqu'à 13h30 et les 17 survivants seront achevés sans procès à la baïonnette. La barricade de la Rue de la Chanverrerie subit l'assaut de plein fouet et s'effondre rapidement. Les insurgés refluent en désordre vers le Cabaret Hucheloup. Marius, blessé à la tête, s'effondre. Jean VALJEAN l'attrape et parvient à fuir par la Rue Mondétour où il s'échappe par les égouts. Les soldats forcent alors la porte du cabaret, Enjolras et deux survivants parviennent à atteindre l'étage et détruisent l'escalier, qui est néanmoins escalader par les soldats. Ne reste alors qu'Enjolras de vivant. Il va être fusillé quand Grantaire, saoul depuis la veille au soir et qui cuvait sur une table de l'étage, s'éveille et vient se placer à côté de son ami. Ils sont abattus sur le champ.


À 13h30, tout est fini. La Ligne patrouille en surface, la Garde nationale dans les égouts. Jean VALJEAN manque d'être pris mais est aidé à la sortie du Grand Collecteur par Javert.

À 15h30, Jacques LAFFITTE (1767-1844), Hyacinthe Camille Odilon BARROT (1791-1873) et Dominique François Jean ARAGO (1786-183), signataire du livret qui a mis le feu aux poudres, se rendent aux Tuileries pour négocier l'arrêt des combats, et apprennent de la bouche de Louis-Philippe que tout est terminé.

La répression peut alors commencer. Dès le 6 Juin 1832, Paris est mis en état de siège, ce qui autorise les arrestations arbitraires. 200 personnes sont arrêtées, tant dans les milieux républicains que légalistes (DESCHAPELLES n'échappe pas à l'arrestation et CHATEAUBRIAND lui-même est inquiété). Louis-Philippe craint néanmoins que les jurys populaires des cours d'assise ne se montrent trop cléments envers les Républicains, comme ça a toujours été le cas. Il passe donc au-dessus de la Charte 1830 (qui a valeur de Constitution) et fait traduire les accusés devant un Conseil de Guerre le 10 Juin 1832. Ce faisant, il passe outre l'Article 54 qui stipule "Il ne pourra en conséquence être créé de commissions et de tribunaux extraordinaires, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce puisse être.". Le peuple gronde à nouveau. Le 18 Juin, toutes les condamnations sont envoyées en cour de cassation, qui s'appuie sur la Charte et renvoie tout ce beau monde en cour d'assise. Louis-Philippe est dépité mais ses craintes ne sont pas fondées. Les jurys se montrent sévères, peut-être à cause de la présence de légalistes, et prononcent 82 condamnations (sur 136 accusés) dont 7 à mort, que le Roi communie en déportation dans les Colonies royales françaises de Guyane. DESCHAPELLES est libéré. Son coup de force pour déstabiliser la Monarchie de Juillet a échoué, Charles X perd peu à peu ses espoirs de revenir au pouvoir en France.

Ainsi s'achève cette insurrection de 1832, rendue célèbre par un roman mais que l'Histoire populaire s'est refusé à retenir...

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