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lundi 18 juin 2012

Juin 1832-Juin 2012 : 180 ans de l'Insurrection républicaine des "Misérables". 3°) 5 Juin 1832, un cortège dégénère.

Le 1er Juin 1832 mourrait à Paris (encore du choléra) un héros des guerres de la Révolution française et du Premier Empire français, un opposant farouche à la Restauration, un temps exilé, pardonné en 1830, et qui avait la réputation d'être républicain (dans les faits, il était plutôt libéral) : le général Jean Maximilien LAMARQUE (1770-1832).


Ses funérailles s'annoncent comme tendues pour les forces de l'ordre. Des milliers de personnes sont attendues, l'insurrection couve, une seule étincelle peut enflammer Paris, et particulièrement le très populaire Faubourg Saint-Antoine que le cortège doit traverser.

Dans la foule, on retrouve les Amis de l'ABC au complet, à l'exception notable de Marius, qui entreprend une démarche désespérée auprès de son grand-père pour qu'il consente à son union avec Cosette. Cosette qui, pendant ce temps, déménage temporairement avec Jean VALJEAN (pour cause de resserrement trop étroit de la surveillance policière au goût du forçat évadé) dans un appartement sis rive droit de la Seine, au numéro 7 Rue de l'Homme armé (aujourd'hui n°40 Rue des Archives), juste au nord du Quartier Saint-Merry.

Les funérailles commencent. Le cortège, sous très haute surveillance et serré de près par la Garde nationale, doit quitter la demeure parisienne extra-muros du général (rive droite) pour l'amener au Cimetière du Père Lachaise (rive gauche). Les premiers incidents ont lieu à la Porte Saint-Martin, où un Sergent de Ville fut apparemment blessé par un coup d'épée. Place de la Bastille, alors que le cortège ne devait que traverser la place, la foule compacte agitant des drapeaux tricolores le force à effectuer plusieurs fois le tour de la Colonne Vendôme. C'est ensuite les élèves de l’École Polytechnique qui égaient le cortège aux cris de "Vive la République !". Lentement, devant une foule de plus en plus nombreuse et sous des averses orageuses de juin, le corbillard progresse vers le Pont d'Austerlitz. Une fois arrivé à l'esplanade, juste avant de traverser la Seine, le vieux La Fayette (ci-dessous) fait ses adieux au général LAMARQUE. C'est à cet instant que tout dégénère.


Un cavalier surgit d'une ruelle non loin du cortège. Légitimiste ? Républicain ? Dans tous les cas, c'est lui qui donne le coup d'envoi de l'insurrection. Le cavalier, (que la légende a retenu comme étant vêtu de noir), porte fièrement le drapeau rouge qu'il va ficher sur le corbillard en forçant le cordon des Gardes nationaux, avant de disparaître aussitôt. Il est environ 17h.

Un cri emporte la foule : "Vive la République ! LAMARQUE au Panthéon ! La Fayette à l'Hôtel de Ville !". Sitôt dit, sitôt fait. La foule force le cordon des Gardes nationaux et s'empare du corbillard qu'elle commence à pousser sur le pont pour traverser la Seine. Dans le même temps, le fiacre de La Fayette (dans lequel son propriétaire a juste eu le temps de monter) est poussé par la ferveur populaire sur les quais en direction de l'Hôtel de Ville.

Les deux mouvements ne vont pas loin. Le 6ème Régiment de Dragons (cavalerie entraînée aussi bien au coup de feu qu'au coup de sabre) était prêt. De l'autre côté du Pont d'Austerlitz, une ligne de cavalier vient barrer l'ouvrage, coupant net la route au corbillard. La foule s'arrête prudemment au milieu du pont. Sur les quais, même spectacle, des cavaliers viennent barrer le Quai Morland sur lequel s'avancent les Parisiens emmenant le vieux marquis. Mais La Fayette, qui veut se tirer de ce guêpier (au courant des manigances légitimistes et de l'insurrection qui se prépare mais trop vieux pour tout ça), pousse son fiacre en avant et les Dragons le laissent passer (il quittera Paris durant la nuit pour retourner dans son Auvergne natale). La foule est au contact des Dragons.


Si l'on en croit le Poète dans le cinquième chapitre ("Un enterrement : occasion de renaître") du dixième livre ("Le 5 Juin 1832") de la quatrième partie ("L'idylle Rue Plumet et l’Épopée Rue Saint-Denis") de son œuvre, on ne sait trop si une charge fut entendue du côté de l'Arsenal ou qu'un enfant frappa d'un coup de couteau le cheval d'un Dragon. Néanmoins, trois coups de feu claquèrent (faut-il encore y voir la main des Légitimistes décidés à lancer l'insurrection ?), tuant un officier de cavalerie, une femme et blessant un soldat. C'est alors que, débouchant dans le dos des manifestants Quai Morland, un régiment de Dragons chargea la foule sabre au clair.

La foule ne se laissa pas faire et ne se dispersa pas. Elle se retrancha sur l'Île des Louviers (aujourd'hui comblée et comprise entre le Quai Henri IV et... le Boulevard Morland) et ses chantiers, quelques barricades furent bâties à la hâte, pas assez néanmoins pour arrêter la Troupe. Une fusillade éclata, les deux camps ne se dispersèrent que pour mieux se rassembler. Cliquer pour agrandir.



Côté émeutier, le rassemblement se fit un peu plus au nord-est, dans le Quartier Saint-Merry. Mais l'émeute tournait à l'insurrection. Ce n'était plus un quartier qui s'enflammait soudain. C'était bel et bien Paris qui sursautait. Les armureries sont pillées, les insurgés se trouvent des chefs dans les sociétés secrètes, ces chefs s'organisent dans un Quartier Général (Q.G.) au Cloître Saint-Merry, des drapeaux rouges sont hissés partout dans Paris, quelques drapeaux noirs sont aperçus, ainsi que des drapeaux tricolores frappés d'une crêpe noire en signe de deuil. Les Légitimistes tirent comme prévu leur épingle du jeu, se mêlent aux Républicains, leurs fournissent les armes qu'ils se sont procurées par leurs manœuvres occultes du mois précédent, et alimentent le feu insurrectionnel.

La Garde nationale, qui en se ralliant aux insurgés de 1830 avait décidé du sort de Charles X, hésite, tergiverse, et finalement se divise. Une part des Gardes nationaux reste fidèle au régime, l'autre se mêle à la foule. Il faut dire que la Garde nationale est un organe paramilitaire au service de l'État, composé de volontaires, tous issus de la bourgeoisie car il faut payer son équipement (uniformes, fusil, munitions et rations), ce qui est onéreux. Créée en 1790, elle sera dissoute en 1871 (après la Commune de Paris où, alors composée d'ouvriers du fait du désespoir de la situation de la Guerre de 1870, elle s'empara de Paris et prit le parti des Communards en en composant l'armée). La Garde nationale, donc, se partage entre les deux camps.


Louis-Philippe, alors au Château de Saint-Cloud, est prévenu et rentre immédiatement à Paris où il organise la contre-insurrection. Il passe en revue la Troupe, les soldats de l'Infanterie de Ligne et la Garde nationale restée fidèle. Sur la rive gauche, les quelques foyers insurrectionnels sont vite éteints. Quelques postes de la Garde nationale hésitants ou en mauvaise posture face à quelques centaines d'insurgés, sont libérés par la Troupe qui disperse, arrête ou repousse rive droite les émeutiers. Bien vite, l'insurrection est contenue dans le quartier Saint-Merry, qui est alors assiégé et se couvre de barricades.

Il est environ 21h. Marius arrive Rue Plumet, dépité par le refus de son grand-père. Il trouve maison close. Cosette lui avait laissé une lettre dans le jardin, expliquant qu'elle s'installait temporairement avec son "père" dans un appartement sis au numéro 7 Rue de l'Homme armé. Cette lettre a été volée par Éponine THÉNARDIER, amoureuse de Marius. Doublement dépité, Marius se décide à rejoindre ses amis sur les barricades.

Cependant, l'insurrection démarre mal. Là où Paris semblait vouloir se soulever tout entier, emmené par la ferveur des funérailles de LAMARQUE, les insurgés se retrouvent finalement peu nombreux et assiégés dans un unique quartier. Paris ne semble pas vouloir leur venir en aide. Le peuple n'est pas à ce point mécontent du règne tout neuf de Louis-Philippe et se trouve quelque peu lassé des insurrections à répétition. Légitimistes et Républicains exaltés (pas tous les Républicains, certains désavouent ce mouvement qu'ils jugent prématuré) sont seuls.

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