Le
1er Juin 1832 mourrait à Paris (encore du choléra) un héros des guerres
de la Révolution française et du Premier Empire français, un opposant
farouche à la Restauration, un temps exilé, pardonné en 1830, et qui
avait la réputation d'être républicain (dans les faits, il était plutôt
libéral) : le général Jean Maximilien LAMARQUE (1770-1832).
Ses
funérailles s'annoncent comme tendues pour les forces de l'ordre. Des
milliers de personnes sont attendues, l'insurrection couve, une seule
étincelle peut enflammer Paris, et particulièrement le très populaire
Faubourg Saint-Antoine que le cortège doit traverser.
Dans
la foule, on retrouve les Amis de l'ABC au complet, à l'exception
notable de Marius, qui entreprend une démarche désespérée auprès de son
grand-père pour qu'il consente à son union avec Cosette. Cosette qui,
pendant ce temps, déménage temporairement avec Jean VALJEAN (pour cause
de resserrement trop étroit de la surveillance policière au goût du
forçat évadé) dans un appartement sis rive droit de la Seine, au numéro 7
Rue de l'Homme armé (aujourd'hui n°40 Rue des Archives), juste au nord
du Quartier Saint-Merry.
Les
funérailles commencent. Le cortège, sous très haute surveillance et
serré de près par la Garde nationale, doit quitter la demeure parisienne
extra-muros du général (rive droite) pour l'amener au Cimetière du Père
Lachaise (rive gauche). Les premiers incidents ont lieu à la Porte
Saint-Martin, où un Sergent de Ville fut apparemment blessé par un coup
d'épée. Place de la Bastille, alors que le cortège ne devait que
traverser la place, la foule compacte agitant des drapeaux tricolores le
force à effectuer plusieurs fois le tour de la Colonne Vendôme. C'est
ensuite les élèves de l’École Polytechnique qui égaient le cortège aux
cris de "Vive la République !". Lentement, devant une foule de plus en
plus nombreuse et sous des averses orageuses de juin, le corbillard
progresse vers le Pont d'Austerlitz. Une fois arrivé à l'esplanade,
juste avant de traverser la Seine, le vieux La Fayette (ci-dessous) fait
ses adieux au général LAMARQUE. C'est à cet instant que tout dégénère.
Un
cavalier surgit d'une ruelle non loin du cortège. Légitimiste ?
Républicain ? Dans tous les cas, c'est lui qui donne le coup d'envoi de
l'insurrection. Le cavalier, (que la légende a retenu comme étant vêtu
de noir), porte fièrement le drapeau rouge qu'il va ficher sur le
corbillard en forçant le cordon des Gardes nationaux, avant de
disparaître aussitôt. Il est environ 17h.
Un
cri emporte la foule : "Vive la République ! LAMARQUE au Panthéon ! La
Fayette à l'Hôtel de Ville !". Sitôt dit, sitôt fait. La foule force le
cordon des Gardes nationaux et s'empare du corbillard qu'elle commence à
pousser sur le pont pour traverser la Seine. Dans le même temps, le
fiacre de La Fayette (dans lequel son propriétaire a juste eu le temps
de monter) est poussé par la ferveur populaire sur les quais en
direction de l'Hôtel de Ville.
Les
deux mouvements ne vont pas loin. Le 6ème Régiment de Dragons
(cavalerie entraînée aussi bien au coup de feu qu'au coup de sabre)
était prêt. De l'autre côté du Pont d'Austerlitz, une ligne de cavalier
vient barrer l'ouvrage, coupant net la route au corbillard. La foule
s'arrête prudemment au milieu du pont. Sur les quais, même spectacle,
des cavaliers viennent barrer le Quai Morland sur lequel s'avancent les
Parisiens emmenant le vieux marquis. Mais La Fayette, qui veut se tirer
de ce guêpier (au courant des manigances légitimistes et de
l'insurrection qui se prépare mais trop vieux pour tout ça), pousse son
fiacre en avant et les Dragons le laissent passer (il quittera Paris
durant la nuit pour retourner dans son Auvergne natale). La foule est au
contact des Dragons.
Si l'on en croit le Poète dans le cinquième chapitre ("Un enterrement : occasion de renaître") du dixième livre ("Le 5 Juin 1832") de la quatrième partie ("L'idylle Rue Plumet et l’Épopée Rue Saint-Denis")
de son œuvre, on ne sait trop si une charge fut entendue du côté de
l'Arsenal ou qu'un enfant frappa d'un coup de couteau le cheval d'un
Dragon. Néanmoins, trois coups de feu claquèrent (faut-il encore y voir
la main des Légitimistes décidés à lancer l'insurrection ?), tuant un
officier de cavalerie, une femme et blessant un soldat. C'est alors que,
débouchant dans le dos des manifestants Quai Morland, un régiment de
Dragons chargea la foule sabre au clair.
La
foule ne se laissa pas faire et ne se dispersa pas. Elle se retrancha
sur l'Île des Louviers (aujourd'hui comblée et comprise entre le Quai
Henri IV et... le Boulevard
Morland) et ses chantiers, quelques barricades furent bâties à la hâte,
pas assez néanmoins pour arrêter la Troupe. Une fusillade éclata, les
deux camps ne se dispersèrent que pour mieux se rassembler. Cliquer pour agrandir.
Côté
émeutier, le rassemblement se fit un peu plus au nord-est, dans le
Quartier Saint-Merry. Mais l'émeute tournait à l'insurrection. Ce
n'était plus un quartier qui s'enflammait soudain. C'était bel et bien
Paris qui sursautait. Les armureries sont pillées, les insurgés se
trouvent des chefs dans les sociétés secrètes, ces chefs s'organisent
dans un Quartier Général (Q.G.) au Cloître Saint-Merry, des drapeaux
rouges sont hissés partout dans Paris, quelques drapeaux noirs sont
aperçus, ainsi que des drapeaux tricolores frappés d'une crêpe noire en
signe de deuil. Les Légitimistes tirent comme prévu leur épingle du jeu,
se mêlent aux Républicains, leurs fournissent les armes qu'ils se sont
procurées par leurs manœuvres occultes du mois précédent, et alimentent
le feu insurrectionnel.
La
Garde nationale, qui en se ralliant aux insurgés de 1830 avait décidé
du sort de Charles X, hésite, tergiverse, et finalement se divise. Une
part des Gardes nationaux reste fidèle au régime, l'autre se mêle à la
foule. Il faut dire que la Garde nationale est un organe paramilitaire
au service de l'État, composé de volontaires, tous issus de la
bourgeoisie car il faut payer son équipement (uniformes, fusil,
munitions et rations), ce qui est onéreux. Créée en 1790, elle sera
dissoute en 1871 (après la Commune de Paris où, alors composée
d'ouvriers du fait du désespoir de la situation de la Guerre de 1870,
elle s'empara de Paris et prit le parti des Communards en en composant
l'armée). La Garde nationale, donc, se partage entre les deux camps.
Louis-Philippe,
alors au Château de Saint-Cloud, est prévenu et rentre immédiatement à
Paris où il organise la contre-insurrection. Il passe en revue la
Troupe, les soldats de l'Infanterie de Ligne et la Garde nationale
restée fidèle. Sur la rive gauche, les quelques foyers insurrectionnels
sont vite éteints. Quelques postes de la Garde nationale hésitants ou en
mauvaise posture face à quelques centaines d'insurgés, sont libérés par
la Troupe qui disperse, arrête ou repousse rive droite les émeutiers.
Bien vite, l'insurrection est contenue dans le quartier Saint-Merry, qui
est alors assiégé et se couvre de barricades.
Il
est environ 21h. Marius arrive Rue Plumet, dépité par le refus de son
grand-père. Il trouve maison close. Cosette lui avait laissé une lettre
dans le jardin, expliquant qu'elle s'installait temporairement avec son
"père" dans un appartement sis au numéro 7 Rue de l'Homme armé. Cette
lettre a été volée par Éponine THÉNARDIER, amoureuse de Marius.
Doublement dépité, Marius se décide à rejoindre ses amis sur les
barricades.
Cependant,
l'insurrection démarre mal. Là où Paris semblait vouloir se soulever
tout entier, emmené par la ferveur des funérailles de LAMARQUE, les
insurgés se retrouvent finalement peu nombreux et assiégés dans un
unique quartier. Paris ne semble pas vouloir leur venir en aide. Le
peuple n'est pas à ce point mécontent du règne tout neuf de
Louis-Philippe et se trouve quelque peu lassé des insurrections à
répétition. Légitimistes et Républicains exaltés (pas tous les
Républicains, certains désavouent ce mouvement qu'ils jugent prématuré)
sont seuls.
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