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samedi 21 janvier 2012

Dimanche 7 Décembre 1941, Pearl Harbor. 4°) Préparatifs américains.

La base navale américaine de Pearl Harbor est située dans la baie à l'ouest de Honolulu, sur l'Île d'Oahu, au nord de l'archipel des Îles Hawaï, alors Territoire des États-Unis d'Amérique. Elle est très isolée dans l'Océan Pacifique, à 3.500 kilomètres des côtes américaines et à 6.500 kilomètres des côtes japonaises. Cependant, de par le statut des Îles Hawaï et l'importance de l'archipel et de la population, il s'agit de la base américaine la plus puissante dans l'Océan Pacifique, et sert de second port d'attache à la flotte américaine de l'Océan Pacifique après Los Angeles, État Américain de Californie.

Le port en lui-même est excellemment situé, au fond d'une baie large et bien à l'intérieur des terres, en faisant un abri providentiel et efficace contre les typhons et contre une éventuelle attaque par la mer. On accède à la rade, profonde à son maximum de douze mètres, par un long et étroit chenal de trois kilomètres sur quatre-cents mètres. Le port s'axe autour de l'Île Ford, au centre de la rade, qui sert de terrain d'aviation aux unités aéronavales de la United States Navy (U.S.N.). Au sud-est se trouve l'aérodrome militaire de Hickam Field, où stationnent les unités aériennes de l'United States Army Air Corps (U.S.A.C.), qui dépendent de l'armée de terre américaine et non de la marine. Dans la rade, les navires sont amarrés bord-à-bord deux-à-deux, pour gagner de la place et du matériel.


Île d'Oahu, Pearl Harbor

En 1932, les porte-avions jumeaux de la classe Lexington, le U.S.S. (United States Ship) Saratoga CV-3 et le U.S.S. Lexington "Gray Lady Lex" CV-2 participent à un exercice visant à tester les capacités offensives des porte-avions. L'exercice consiste en une frappe aéronavale sur Pearl Harbor. Les avions de la Navy anéantissent virtuellement la flotte américaine à l'ancrage. Les États-Unis d'Amérique lancèrent alors un programme de six porte-avions, la classe Yorktown. À Pearl Harbor cependant, rien ne fut fait pour améliorer la défense face à ce genre d'attaque.

En 1941, les États-Unis d'Amérique ne sont pas prêts à entrer en guerre. Le peuple a encore en mémoire les pertes du corps expéditionnaire américain dans les tranchées européennes en 1917-1918, voire ceux de la Guerre de Sécession, seulement soixante ans auparavant. Un fort courant isolationniste et pacifiste domine alors le pays (America First). Cependant, Roosevelt aide en sous-main les Britanniques mal engagés et isolés face à une Europe envahie par les Nazis. Il leur fournit du matériel et escorte leurs convois. Petit à petit, il tente de réarmer son pays, dont l'armée professionnelle n'excède pas 300.000 hommes, afin de se préparer à entrer en guerre contre l'Allemagne. Ce faisant, il néglige la menace japonaise et croit encore à la réussite des négociations avec l'Empire du Japon, étant prêt à sacrifier au besoin certaines possessions américaines dans l'Océan Pacifique. Cependant, le Secrétaire d’État Cordell HULL (1871-1955) est chargé de maintenir une ligne diplomatique dure envers le Japon, restant intraitable sur l'embargo pétrolier tant que les Japonais ne se seront pas retirés de Chine.

Cordell HULL

En Février 1941, le Général Walter Campbell SHORT (1880-1949) est nommé à la tête des forces armées américaines à Pearl Harbor, soit 25.000 hommes. Son aviation se compose d'environ 200 appareils, répartis entre Hickam Field, Wheeler Field (terrain plus à l'intérieur des terres utilisé pour la maintenance) et Kaneohe Field (sur la côte est, même rôle). À l'exception des 70 chasseurs Curtiss P-40 Warhawk relativement récents (et qui composent alors la majorité de la force aérienne), les avions américains sont dépassés. Les vieux chasseurs Boeing P-26 Peashooter datent des années 1920, les chasseurs Curtiss P-36 Hawk H-75 du début des années 1930, les bombardiers Douglas DC-2 B-18 sont certes nombreux mais ne sont que des avions civils modifiés... L'armement antiaérien est composé surtout de mitrailleuses, la base comptant sur les puissants canons des navires pour la défendre. En Août 1941, les Britanniques font cadeau de plusieurs appareils de RaDAR (Radio Detection And Randing) SCR (Signal Corps Radio) 270. Les Américains se familiarisent ainsi avec ces appareils nouveaux, et l'un d'eux est envoyé à Pearl Harbor. Ce n'est ni plus ni moins qu'une grande antenne plantée sur la montagne surplombant le port, et le centre de contrôle est un camion... Mais ça marche, même si les Américains ne savent pas trop comment l'utiliser.

Walter SHORT

RaDAR SCR-270 de Pearl Harbor

En Mai 1941, c'est l'Amiral Husband Edward KIMMEL (1882-1968) qui prend la tête de la Navy à Pearl Harbor. Ses forces aéronavales se composent d'une centaine d'avions, un peu voire beaucoup obsolètes, dont quelques chasseurs Grumman-Martlet F4-F Wildcat et torpilleurs Douglas TBD Devastator embarqués sur les porte-avions, plus quelques lents et lourds hydravions Consolidated PBY Catalina. Ses forces navales se sont trouvées ponctionnées continuellement durant l'année 1941 pour renforcer la flotte américaine de l'Océan Atlantique, suivant ainsi la politique de l'Europe d'abord. C'est au total plus de 20% de la flotte américaine de l'Océan Pacifique qui est ainsi envoyée de l'autre côté du Canal de Panama : un porte-avions (le U.S.S. Saratoga CV-3), trois croiseurs de bataille cuirassés, un croiseur lourd, trois croiseurs légers et six destroyers. Début Décembre 1941, il ne reste plus à Pearl Harbor que trois porte-avions, neuf croiseurs de bataille cuirassés (dont deux en cale sèche), trois croiseurs lourds, six croiseurs légers, quatre sous-marins classe SS-Gato, vingt destroyers et dix navires auxiliaires (pétroliers et transports). Le chenal n'est pas barré de filets anti-sous-marins, les Américains ont une confiance totale dans la faible profondeur du port.

Husband KIMMEL

Flotte aéronavale américaine de l'Océan Pacifique basée à Pearl Harbor

La rivalité cordiale et séculaire entre la Navy et l'Army se concrétise méchamment entre Short et Kimmel, les deux hommes se détestent, ce qui nuit gravement à la communication entre les eux corps d'armée, l'un prenant toujours des décisions inverses à l'autre, empêchant tout exercice en commun. Le Lundi 1er Décembre 1941, Short décide la tenue d'un exercice anti-sabotage, prévu pour le Lundi 8 Décembre 1941. L'objectif de cet exercice est de prévenir et de contrer un éventuel sabotage par des Japonais présents sur l'île. Il est motivé par le fort pourcentage d'immigré japonais à Hawaï (120.000 en tout). L'U.S.A.C. aligne donc aile contre aile tout ses avions à Hickam Field, pour mieux les surveiller. Seule une trentaine d'appareils, basée à Wheeler Field et Kaneohe Field, est laissée en dehors de l'exercice, et la plupart sont en maintenance. Kimmel décide de ne pas participer à l'exercice, et il programme au contraire un exercice de bataille aéronavale au sud d'Hawaï. Le Mardi 2 Décembre 1941, les trois porte-avions américains (le U.S.S. Lexington CV-2, et deux de la classe Yorktown : le U.S.S. Enterprise CV-6 et l'ultramoderne U.S.S. Wasp CV-7 sorti des chantiers en 1940) escortés de six destroyers quittent Pearl Harbor.

Aérodrome de Hickam Field, notez les P-26 et les B-18 alignés...

Cependant, sur le continent, ça s'agite. Hull sent bien que les négociations s'enlisent. Par ailleurs, il se garde bien de dire à ses homologues japonais qu'il connaît leurs ordres, et bien plus, envoyés du Japon. En effet, les services secrets américains de décodage sont parvenus à forcer sans trop de problèmes le code diplomatique japonais, et surveillent donc de près toutes les communications de l'ambassade de l'Empire du Japon à Washington D.C. (District of Columbia). En revanche, les décodeurs américains ne sont pas encore parvenus à percer le code la Marine Impériale. De fait, ce code est virtuellement indéchiffrable, puisqu'il utilise un code différent par jour, prévu à l'avance et noté dans un cahier donné aux unités japonaise. Néanmoins, les Américains parviennent à comprendre certaines bribes. C'est ainsi qu'ils savent que la flotte japonaise lève l'ancre pour exercice fin Novembre 1941 avant de perdre le contact radio. Cela inquiète les services secrets américains qui renforcent leur surveillance de l'ambassade japonaise.

Le Samedi 6 Décembre 1941 à 23h, les décrypteurs américains interceptent le message japonais contenant la déclaration de guerre. Ils en notent immédiatement l'importance au vu du code renforcé employé. Mais contrairement aux diplomates japonais qui repoussent la transcription au lendemain, les services secrets américains vont passer la nuit à le forcer et y parviennent le Dimanche 7 Décembre 1941 vers 10h, alors même que les Japonais ne l'ont pas encore déchiffré. Il est alors 4h30 à Hawaï. Alarmés par le contenu des quatorze points, les services hésitent un temps. Il est question de prévenir le président Roosevelt tant la situation est grave, mais le Président des États-Unis d'Amérique a été écarté de la chaîne de commandement de l'armée par décision du Congrès Américain en Septembre 1941, sous l'influence pacifiste. C'est donc vers le Général George Catlett MARSHALL qu'il faut se tourner. Or, il est en congé et ne répond pas au téléphone. Pour cause, il est parti faire une promenade à cheval. Une estafette des services secrets parvient à le retrouver deux heures plus tard. Marshall agit alors vite, il rédige à la main le message suivant : "Nous sommes en guerre ! Attaque japonaise imminente ! Forces armées du Pacifique doivent être mises en alerte immédiatement !". Il ordonne que ce message soit envoyé en claire par par télégramme à toutes les bases américaines de l'Océan Pacifique, y compris les Philippines et Pearl Harbor. Son secrétaire se charge de porter lui-même le message au service des communications, et transmet le message et l'ordre de son supérieur avant de retourner travailler. Malheureusement, le général a une écriture exécrable, illisible, et les techniciens américains ne parviennent même pas à comprendre la teneur du message. Il faut alors retrouver le secrétaire et lui demander de "traduire". Ce qui fut fait. Mais entretemps, l'ordre de faire passer le message en clair et en urgence a été oublié, et c'est par la voie sécurisée et codée que passe l'alerte... Le temps de faire tout ça, il est déjà 13h, soit 7h30 à Hawaï, et c'est déjà trop tard. Pour comble de malchance, un problème technique stoppe la transmission pendant une heure et demie dans l’État Américain d'Arizona.

George MARSHALL

Trois heures plus tôt, à Pearl Harbor, rien ne laisse présager de la menace qui s'avance.

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