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dimanche 22 janvier 2012

Dimanche 7 Décembre 1941, Pearl Harbor. 5°) L'attaque.

Vers 4h du matin le Dimanche 7 Décembre 1941, l'équipage du remorqueur U.S.S. Condor AMC-14, qui tractait alors une cible flottante dans le chenal vers le port, remarque un périscope entre sa poupe et sa remorque. Il s'agit d'un de sous-marins de poche japonais qui tente d'entrer dans le port discrètement. Le navire alerte le destroyer de patrouille, le U.S.S. Ward DD-139, qui ne parvient cependant pas à cibler quoi que ce soit mais qui signale néanmoins l'incident à l'Amirauté, qui refuse de s'inquiéter pour un "bidon flottant". Néanmoins, le Ward pousse sa patrouille à l'entrée maritime du chenal, et croise le long de la côte. Cette stratégie est payante. À 6h35, les vigies repèrent un périscope se dirigeant vers la rade. Les hommes prennent leur poste et l'intrus est coulé sans sommations à 6h37. L'Amirauté est réticente à donner l'alerte, et demande une confirmation, évidemment impossible à apporter dans l'immédiat.
Vers 7h, les deux hommes de corvée au camion du RaDAR sont réveillés par une alarme de leur appareil de détection. Une masse s'avance du nord. Ils préviennent l'aérodrome de la Navy, sur l'Île Ford, où on leur répond que c'est normal, il s'agit de six bombardiers Boeing B-17E Flying Fortress venus de Los Angeles et attendus dans la matinée. Pourtant, c'est bel et bien l'ennemi qui s'approche. Il vient d'arriver à portée d'émission de Radio-Honolulu, ce qui a mis une ambiance détendue dans les écouteurs des pilotes japonais.
Plan d'attaque japonais, première et deuxième vague.

À 7h25, la première vague d'assaut japonaise arrive au-dessus d'Oahu. Pearl Harbor dort encore, pas un avion ne patrouille au-dessus de l'île, pas un navire ne manœuvre. L'attaque surprise japonaise est une réussite. Fuchida lance en clair à la flotte japonaise le message code signifiant le début de l'attaque et le succès de l'effet de surprise : "Tora ! Tora ! Tora !". Le message parvient à Nagumo, qui brise le silence radio et transmet à Yamamoto, qui suivra donc en temps réel les opérations depuis la deuxième flotte japonaise dans le Pacifique Ouest sur le cuirassé Yamato. À l'heure où le signal est donné, la seconde vague d'assaut japonaise décolle.

À 7h30, alors que les premières sonneries au réveil résonnent dans la baie, le ciel se noircit des 183 appareils japonais. Cette première force de frappe se compose de 40 torpilleurs B5N2 Kate, de 49 autres B5N2 Kate équipés de bombes, de 51 bombardiers en piqué D3A Val, escortés de 43 chasseurs A6M2 Zéro. Cependant, l'attaque japonaise arrivait par plusieurs côtés, et il fallut une trentaine de minutes pour que la force de frappe fut assemblée.
À 7h50, les avions japonais passent en rase-motte au-dessus du port, sous l'œil dubitatif des Américains. Un chasseur Zéro ouvre les hostilités. Avisant deux marins en train de hisser les couleurs sur le kiosque du sous-marin U.S.S. Tautog SS-199, il ouvre le feu, tuant les deux sous-mariniers. À 7h53, un Aichi D3A en vol horizontal lâche la première bombe de l'attaque sur le croiseur léger U.S.S. Raleigh CL-7. La détonation réveille le port. À 7h56, un sous-marin de poche torpille le croiseur de bataille cuirassé U.S.S. West Virginia. À 7h58, le Commandant Logan RAMSEY (qui avait assisté de visu à l'explosion sur le Raleigh) se rue à l'Amirauté et fait transmettre en clair et sur toutes les fréquences, y compris les civiles et les officielles vers le continent, l'alerte générale : "Attaque aérienne sur Pearl Harbor ! Ceci n'est pas un exercice !".
La curée commence. Les pilotes japonais ont ordre de viser en priorité les croiseurs. Six croiseurs de bataille cuirassés sont rangés deux par deux le long de la côte est de l'Île Ford, offrant des cibles parfaites : U.S.S. Arizona BB-39, U.S.S. Oklahoma BB-37, U.S.S. West Virginia BB-48, U.S.S. Tennessee BB-43, U.S.S. Nevada BB-36, U.S.S. Maryland BB-46 et U.S.S. California BB-44. Le premier à subir l'ire du Soleil Levant est l'Arizona. Deux torpilles le frappent et inondent ses chaufferies. Une bombe éclate dans les superstructures. Le lieutenant Tadashi Kusumi aux commandes de son Aichi D3A1 Val réussit ensuite ce qui peut être qualifié de coup heureux : sa bombe entre directement par la cheminée et va exploser dans les chaudières inondées. La chaleur de l'explosion, le charbon et la fraîcheur de l'eau se combinent et il en découle un coup de grisou qui incendie instantanément les pont inférieurs, y compris la Sainte-Barbe (la soute à munitions). Deux minutes plus tard, le navire fait explosion, entraînant dans la mort 1.177 marins dont l'Amiral Isaac Campbell KIDD (1884-1941) qui se battait au milieu de ses hommes en tant que mitrailleur. Le souffle est tel que le navire atelier U.S.S. Vestal AR-4 voit ses superstructures soufflées, obligeant son évacuation. L'Arizona n'est plus qu'une épave, mais des superstructures émergent encore et les quelques cent survivants encore à bord utilisent toujours les mitrailleuses en état et resteront à bord jusqu'à la fin de l'attaque.

Explosion du U.S.S. Arizona.

L'Oklahoma et le West Virginia sont bombardés et s'enflamment, appelant ainsi les avions japonais à les achever. La passerelle du Nevada est frappée par une bombe qui tue tous les officiers à l'exception du timonier. À quai, les autres navires ne sont pas mieux lotis. Le vieux croiseur de bataille cuirassé U.S.S. Utah BB-31 (mis en service en 1911), en cale sèche, sans superstructures et qui ressemble donc à un porte-avions, se fait pilonner jusqu'à ce qu'il soit coupé en deux. Le croiseur de bataille cuirassé U.S.S. Pennsylvania BB-38, également en cale sèche, subit des dommages mais son artillerie est encore fonctionnelle, ce qui en fait une cible délicate et le sauve.


Photographie prise d'un Nakajima B5N2 Kate japonais lors de l'attaque,
vraisemblablement à la fin de la première vague.
On peut voir la fumée qui s'échappe d'Hickam Field.
Notez les sillages des torpilles dans la rade.
C'est après l'explosion du Nevada, remarquez sa proue détachée et le Vestal enfoncé par l'arrière.
Voyez également les gerbes d'eau et l'onde de choc provoquées par les torpilles sur le West Virginia et l'Oklahoma.
Notez aussi le sillage du Nevada en train de se mettre en route.

Mais l'effet de surprise passé, les Américains se reprennent. Ce sont tous des marins professionnels, entraînés pour la guerre, et bientôt les navires font feu de toutes leurs pièces pour repousser l'attaque. Neuf appareils japonais sont abattus par la Défense Contre-Avions (D.C.A.).
Les appareils de la Navy, alignés sur l'Île Ford aile contre aile comme au champ de foire, font vraiment office de cible d'exercice. Certains pilotes japonais revendiqueront dix avions détruits en une passe. Les 24 P-36, 10 Catalina et 5 Devastator sont balayés en dix minutes sans avoir eu la moindre chance de décoller, les hangars et les bâtiment sont bombardés. Hickam Field n'est pas épargné. Là encore, les avions aile contre aile se font détruire par groupes entiers.

Hangar de la Navy sur l'Île Ford en flammes.

Il est 8h30, la première vague d'assaut est sur place depuis près d'une heure et commence à se trouver à court d'essence et de munitions. Parfaitement coordonnée, elle cède la place à la seconde vague qui vient d'arriver. Sur le retour, les chasseurs Zéro croisent par hasard une escadrille de 18 Douglas SBD-2 Dauntless du porte-avions U.S.S. Enterprise, qui patrouille dans le cadre de l'exercice. C'est un massacre, les Japonais abattent six torpilleurs américains. De leur côté, les Aichi D3A1 Val remontent vers le nord et survolent Wheeler Field, se permettant au passage une passe de mitraillage et détruisant les quelques avions éparpillés sur l'aérodrome de maintenance.
À 8h34, l'Amiral KIMMEL, qui assiste impuissant au désastre depuis l'Amirauté, se voit remettre un pli confidentiel. "Nous sommes en guerre ! Attaque japonaise imminente ! Forces armées du Pacifique doivent être mises en alerte immédiatement ! Signé : George C. MARSHALL." Le message n'a qu'une heure de retard. À peine Kimmel a-t-il lu cette trop tardive mise en garde qu'une balle perdue frappe le mur à quelques centimètres de lui. Il dira plus tard qu'il aurait aimé qu'elle l'atteigne.
Le léger temps de battement entre la première et la seconde vague japonaise est mis à profit par les Américains. L'enseigne Joe TAUSSIG, timonier du Nevada et dernier survivant sur la passerelle, prend l'initiative de prendre le commandement du navire et ordonne la manœuvre. Le croiseur de bataille cuirassé commence alors à se diriger vers le chenal dans l'espoir d'atteindre la haute-mer et de dégager un peu la rade de l'embouteillage de navires qui forme un amas de cibles. C'est une fausse bonne idée car ce faisant, il attire à lui tous les bombardiers japonais qui espèrent le couler dans l'étroit chenal, ce qui bloquerait le port pour plusieurs mois. Le destroyer U.S.S. Aylwin DD-355 parvient également à lever l'ancre avec seulement quatre officiers et douze hommes d'équipage à bord. Sur terre, les pilotes américains réagissent également. La légende n'a retenu que deux P-40 héroïques ayant décollés de Kaneohe Field. En réalité, il y en a eu plus. Certains pilotes se ruent sur les quelques appareils intacts d'Hickam Field, tandis que d'autres réquisitionnent des véhicules en urgence pour se rendre à Kaneohe Field, qui n'a pas encore été bombardé.
La seconde vague d'assaut japonaise se compose de 54 bombardiers Nakajima B5N2 Kate, de 78 bombardiers en piqué Aichi D3A1 Val et de 35 chasseurs Mitsubishi Reisen A6M2 Type 21 Zéro/Zeke. Soit, 167 appareils, et aucun torpilleurs. La fumée des navires en flammes recouvre alors la rade et rend en effet périlleux le vol en rase-motte nécessaire au largage des torpilles.
La curée recommence. L'aérodrome d'Hickam Field est visé en priorité. Une dizaine de chasseurs américains parvient à quitter le sol, mais seulement deux P-40 parviennent à réellement décoller sans se faire abattre une fois en l'air. Le reste de la base aérienne est quasiment anéanti par les bombardements, au milieu desquels arrivent soudain les six B-17 attendus ! Ces bombardiers ne savent pas trop où ils arrivent, sont presque à court d'essence et ne sont pas armés. Quatre d'entre eux sont abattus. Cependant, les pilotes américains atteignent Kaneohe Field et quinze P-36 parviennent à décoller, même si cinq sont abattus par les Japonais qui entament la destruction de l'aérodrome. Il y a donc, aux environs de 8h45, douze avions américains en l'air. Ils tentent alors de protéger le port, et abattent neuf appareils japonais. Mais seuls les deux P-40 se risquent au-dessus de la rade car, décollés d'Hickam, ils ont été repérés et identifiés par la D.C.A. américaine qui les évite et les couvre. En revanche, les dix P-36 arrivent du même côté que les Japonais et sont accueillis par leur propre D.C.A., qui abat ainsi par erreur quatre d'entre eux avant que les aviateurs décident de couvrir plutôt le reste de l'île... Cinq autres sont abattus par les Japonais.
Un Mitsubishi Reisen A6M2 Type 21 Zéro/Zeke mitraille des Curtiss P-40 Warhawk alignés sur Kaneohe Field.
Notez à gauche le P-40 qui tente de décoller, mis en joue par un second Zéro en rase-motte.

Car la D.C.A. américaine se déchaîne sur Pearl Harbor, même au milieu du carnage qui continue, descendant onze avions japonais de mieux, dont certains s'écrasent alors volontairement sur les navires américains. Elle ne parvient néanmoins pas à stopper l'attaque. Le Nevada est pris pour cible à de multiples reprises, et Joe TAUSSIG a la présence d'esprit d'échouer son navire sur la rive plutôt que de le laisser couler au milieu du chenal. Le West Virginia résiste toujours mais est pilonné jusqu'au naufrage. Ayant été touché des deux côtés, il coule droit et ses superstructures émergent encore, lui permettant malgré tout de maintenir un feu continu. Non loin, l'Oklahoma n'a pas la même chance. Frappé à tribord, il commence à chavirer et est achevé par les sous-marins de poche japonais qui se décident à faire surface. L'Oklahoma est alors frappé sur son pont par des torpilles, causant des dommages irréparables et accélérant le retournement, qui piège des centaines de mécaniciens dans les cales du navire. Les croiseurs de bataille cuirassés étant hors de combat, les Japonais s'acharnent sur les navires auxiliaires et les destroyers, causant soudain la panique sur l'Île Ford lorsque les Américains s'avisent que le pétrolier U.S.S. Neosho, amarré à l'île, rempli de suffisamment de combustible pour vitrifier toute la baie en cas d'explosion, est pris à parti par des avions, heureusement sans succès. Les sous-marins de poche japonais font surface pour se joindre au carnage et tenter de s'échapper. L'un d'eux atteint la mer mais calcule mal sa trajectoire et s'échoue, son équipage se suicide. Deux autres sont repérés, pris à parti et coulés par le ravitailleur U.S.S. Curtiss AV-4 et le destroyer U.S.S. Monaghan DD-354. Le dernier tourne en rond faute de boussole fonctionnelle. Son équipage le saborde et s'enfuit à la nage. L'un des hommes se noie mais l'autre, Kazuo Sakamaki (1918-1999), s'évanouit sur la plage et devient le premier prisonnier de guerre japonais fait par les Américains.
Photographie prise d'un Nakajima B5N2 Kate de la seconde vague quittant sur Pearl Harbor.
Le port est en feu, mais notez l'importante activité anti-aérienne.

Explosion des dépôts de munitions portuaires et du destroyer U.S.S. Shaw DD-373 à quai, au milieu des navires auxiliaires, vers 9h.

À 9h15, les avions japonais s'éloignent.


Disposition des navires et dommages infligés.
(Source : CAU Paulo, Les cent plus grandes batailles de l'Histoire, de l'Antiquité à nos jours, Édition Place des Victoires, Paris, 2006.)

À 9h20, la première vague se pose sur les porte-avions japonais. Aussitôt, Fuchida presse Nagumo de lancer un troisième raid sur les installations pétrolières de Pearl Harbor, pour achever la paralysie de la flotte américaine de l'Océan Pacifique. À cet argument, Chuichi Nagumo oppose le fait que la réaction américaine s'organise, les pertes sont d'ores et déjà annoncées plus lourdes dans la seconde vague, qu'organiser une troisième vague prendrait trop de temps, qu'elle ne serait pas coordonnée avec le départ de la seconde, et qu'en conséquence, la défense américaine serait prête. Par ailleurs, où sont les porte-avions américains ? Et de toute façon, la flotte est bientôt à la limite de ses réserves en carburant. Il n'y aura pas de troisième raid. Cette décision prudente lui a souvent été reprochée par après mais au vu des circonstances, il apparaît que c'était le meilleur choix.
L'attaque japonais sur Pearl Harbor a duré une heure et demie. Tout est terminé.

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