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dimanche 22 janvier 2012

Dimanche 7 Décembre 1941, Pearl Harbor. Conclusion : les conséquences.

9h à Hawaï, 14h30 à Washington D.C., l'attaque japonaise prend fin. L'appel à l'aide de Pearl Harbor atteint enfin les services officiels de la Maison Blanche. Le premier à être informé est le Secrétaire d'État Cordell HULL, qui se rend à son bureau pour recevoir l'ambassadeur Nomura qui a demandé une audience en urgence. Lorsque Cordell HULL reçoit la missive annonçant l'attaque, il n'est pas informé de la déclaration de guerre décryptée par les Américains, et il refuse de croire à une attaque japonaise sur Hawaï, persuadé qu'il s'agit des Philippines. À 14h35, on lui confirme qu'il s'agit bel et bien de Pearl Harbor. Secoué, choqué, il gagne son bureau où l'attendent les diplomates japonais qui lui remettent la déclaration de guerre, que leurs services viennent de déchiffrer une demi-heure plus tôt, près de quatre heures après les services secrets américains... Le Secrétaire d'État prend connaissance de la missive, et doit s'y reprendre à plusieurs fois avant de parvenir à trouver ses mots. Il se dit alors profondément outré du comportement du Japon, traite les diplomates de menteurs et leur ordonne de sortir, sans ajouter un mot. Nomura et son collègue sont surpris et navrés. Non pas qu'ils s'attendaient à être bien reçus, mais ils espéraient au moins une rupture cordiale. Ce n'est qu'en rentrant à l'ambassade japonaise qu'ils apprennent, par la radio américaine, l'attaque de leurs compatriotes sur Pearl Harbor et comprennent qu'ils ont remis leur message trop tard, faisant de l'Empire du Japon un agresseur sauvage contrevenant à toutes les lois de la guerre en ne prévenant pas de la déclaration des hostilités. Roosevelt apprend la nouvelle à 9h15, à la Maison Blanche, avec une évaluation temporaire des dégâts. Il restera léthargique pendant deux heures.
À Pearl Harbor, le spectacle est dantesque. La rade est en feu, vingt-cinq navires ont été touchés à différents degrés. Le Nevada est échoué, l'Arizona et le destroyer Shaw ont fait explosion, l'Oklahoma s'est retourné et on peut entendre dans sa coque les coups frappés par les marins piégés dans ses entreponts. Le West Virginia est coulé (seuls ses superstructures émergent), le California est en feu, de même que les cales sèches et les dépôts sur les quais, et de nombreux autres navires font état d'avaries sévères. Les secours s'organisent, notamment autour de l'Oklahoma, mais peu de survivants sont sortis de la coque, que les sauveteurs ne parviennent à percer qu'en de trop rares endroits, et les coups et les voix des mécaniciens pris au piège finissent par s'éteindre, peu à peu. Au soir de l'attaque, il n'y a plus d'espoir.
Le U.S.S. West Virginia coulé et en flammes (au premier plan), le U.S.S. Tennessee en arrière-plan.
Le U.S.S. Oklahoma retourné, le U.S.S. Maryland à droite.
Le destroyer U.S.S. Shaw après explosion, notez le U.S.S. Nevada amené en cale sèche derrière lui.
Sur terre, le bilan est lourd aussi. 188 appareils ont été détruits au sols, plus une vingtaine qui a été abattue en l'air. Les hangars sont en ruines, les pistes également. La liste des pertes fait frémir : 2.403 tués (dont 1.177 la même seconde à bord de l'Arizona, et 68 civils tués par deux bombes perdues tombées sur Honolulu) et 1.178 blessés.

Un hangar d'Hickam Field.
Le choc aux États-Unis d'Amérique est terrible, tant parce que l'attaque japonaise n'a été précédée d'aucune déclaration de guerre alors même que les Américains pensaient adopter une attitude pacifiste, que parce que Hawaï est Territoire des États-Unis d'Amérique, et que jamais depuis 1814 les Américains n'ont été attaqués par une puissance étrangère sur leur sol. Les mouvements pacifistes se rallient alors sans condition à Roosevelt, qui prononce dès le Lundi 8 Décembre 1941 son discours célèbre : "Hier, 7 Décembre 1941, date à jamais marquée de honte et d'infamie, les États-Unis d'Amérique ont été soudainement et délibérément attaqués par les forces navales et aériennes de l'Empire du Japon. Les États-Unis étaient en paix avec cette nation et, à la demande du Japon, menaient encore avec son gouvernement et son empereur des pourparlers visant au maintien de la paix dans l'Océan Pacifique. De fait, une heure après que les escadrilles japonaises aient commencé à bombarder Oahu, l'ambassadeur du Japon aux États-Unis et son collègue transmettaient au Secrétaire d'État une réponse officielle à un récent message américain. Bien que cette réponse affirmait qu'il semblait inutile de poursuivre les négociations diplomatiques en cours, elle ne contenait ni menaces, mi allusions à la guerre ou à une attaque armée. Au vu de la distance qui sépare Hawaï et le Japon, il est clair que cette attaque a été préméditée depuis de nombreuses semaines ou même des mois. Et pendant ce temps, le gouvernement japonais a délibérément cherché à tromper les États-Unis en faisant de fausses déclarations et en exprimant l'espoir que la paix serait maintenue. L'attaque d'hier sur les Îles Hawaï a infligé de graves dommages aux forces militaires et navales américaines de l'Océan Pacifique. Un grand nombre d'Américains a perdu la vie. En outre, on annonce que des navires ont été torpillés en haute-mer entre San Francisco et Honolulu. Hier, l'Empire du Japon a également déclenché une attaque contre la Malaisie. La nuit dernière, les forces japonaises ont attaqué Hong-Kong, Guam, les Îles Philippines, l'Île de Wake et l'Atoll de Midway ce matin. Le Japon a donc déclenché par surprise une offensive qui s'étend à toute la région du Pacifique. Après ce qu'il s'est passé hier, tout commentaire serait inutile. Le peuple américain s'est déjà fait une opinion et comprend la portée du danger qui menace la sécurité et la survie même de notre nation. En ma qualité de commandant en chef de l'armée et de la marine, j'ai donné l'ordre de prendre toutes les mesures qui s'imposent pour assurer notre défense. Nous nous souviendrons toujours de la nature honteuse de l'agression qui a été commise contre nous. Peu importe le temps qu'il nous faudra pour repousser cette invasion préméditée ; le peuple américain, fort de son droit, saura combattre jusqu'à la victoire totale. Je crois être l'interprète de la volonté du Congrès et du peuple en déclarant que non seulement nous nous défendrons jusqu'à l'extrême limite de nos forces, mais que nous agirons de façon à être bien sûrs que plus jamais ne pèsera sur nous la menace d'une attaque de ce genre. Les hostilités ont commencé. Il n'y a pas à se dissimuler que notre peuple, notre territoire et nos intérêts sont en péril. Confiants en nos forces armées, nous remporterons une victoire triomphante grâce à la résolution inébranlable de notre peuple. Que Dieu nous vienne en aide ! Je demande au Congrès de déclarer que, depuis l'attentat injustifié commis par le Japon le 7 Décembre, les États-Unis d'Amérique se trouvent en guerre avec l'Empire du Japon.".

Discours du Président Franklin Delano ROOSEVELT au Congrès des États-Unis d'Amérique le Lundi 8 Décembre 1941.

Le gouvernement américain déclare alors ouvert le recrutement en masse des volontaires américains pour entrer dans l'armée. Parallèlement, atteint par le profond sentiment anti-japonais qui gagne le peuple, il fait arrêter tous les immigrants japonais et les Américains d'origine japonaise, qui se retrouvent enfermés dans des camps qui, sans être franchement des camps de concentration, ne sont pas les meilleurs endroits au monde pour vivre en famille... Les États-Unis d'Amérique ne s'excuseront de ces arrestations qu'en 1988.

14 marins et infirmières reçoivent la Médaille d'Honneur du Congrès (plus haute distinction militaire) pour acte de bravoure à Pearl Harbor. 200 autres reçoivent la Navy Cross, dont (après un débat d'un an, ségrégation oblige) le matelot noir du West Virginia, Doris "Dorie" MILLER (1919-1943), qui servit de transmetteur d'ordre entre les officiers du cuirassé et qui, bien que n'ayant jamais été entraîné au combat, participa à la défense anti-aérienne, restant à son poste même après le naufrage et étant crédité d'au moins une victoire, devenant ainsi le premier marin noir décoré des États-Unis. Tous les vétérans de l'attaque se virent remettre la Pearl Harbor Commemorative Medal, créée pour l'occasion.

Doris "Dorie" MILLER

Côté japonais, dès le signal de fin d'attaque transmis à Yamamoto, la seconde flotte japonaise, en attente au nord de la Malaisie, passe à l'action. Pour elle c'était le Lundi 8 Décembre 1941, car elle se trouvait de l'autre côté de la ligne de changement de date. Yamamoto donne alors l'ordre de lancer l'offensive générale. Le jour même, les troupes japonaises débarquent en Malaisie et dans les Philippines, tandis que l'armée de terre basée en Chine fond sur la Birmanie et toutes les possessions coloniales européennes continentales. L'aviation lance des raids sur toutes les bases américaines : Wake, Midway, Guam, etc... En un mois, les Philippines, la Malaisie et les colonies sont emportées, et les troupes japonaises s'emparent également des bases américaines de l'Océan Pacifique Ouest. La Nouvelle-Guinée et les Îles Salomon sont attaquées à leur tour, l'envahisseur se rapproche de l'Australie et rien ne semble pouvoir l'arrêter. Les restes des unités de surface américaines, australiennes et européennes sont anéantis lors de la Bataille navale de la Mer de Java en Janvier 1942. Bien que rien dans le Pacte Tripartite ne les y oblige, le IIIème Reich d'Allemagne Nazie et le Royaume d'Italie Fasciste déclarent la guerre aux États-Unis d'Amérique le 11 Décembre 1941, ce qui sera en partie la cause de leur défaite en Europe lorsque toute la puissance industrielle américaine se mettra au service des Alliés, surclassant nettement les possibilités de l'Axe. Néanmoins Yamamoto reste inquiet. Certes, l'opération est un succès, sur 350 appareils seuls 29 ont été perdus et les 74 endommagés réparés. Pourtant, mis au courant du retard de la déclaration de guerre, il ne sous-estime pas la réaction américaine à venir : "Je crains que nous n'ayons réveillé un géant dont la détermination, renforcée par un esprit de revanche et de haine, nous écrasera.".

Attaques japonaises, Décembre 1941 - Juillet 1942.

Pour cause. Sur les 25 navires touchés à Pearl Harbor, seuls 3 ne seront pas réparés : l'Arizona (trop endommagé, la coque est coupée en deux), l'Oklahoma (trop endommagé, percé de partout, retourné et surtout tombeau de centaines de marins) et l'Utah (trop vieux, ça ne valait pas le coup). Tous les autres sont mis en chantiers et reprennent du service entre début 1942 et fin 1943. Le West Virginia est renfloué, le Shaw retapé, les navires retournés remis sur leur quille. L'aviation se remet rapidement. Beaucoup de matériel de cassé mais peu de pertes humaines. Une semaine après l'attaque, la garnison est de nouveau complète. Mi-janvier 1942, la base de Pearl Harbor est de nouveau totalement opérationnelle.

Renflouage du U.S.S. Oklahoma en vue de son ferraillage en 1943.

Yamamoto avait dit qu'il fallait écraser les Américains en six mois et les forcer à la paix si le Japon voulait l'emporter. C'était prophétique. En tentant d'envahir l'Atoll de Midway début Juin 1942, six mois presque jour pour jour après Pearl Harbor, l'Empire du Japon subit la première riposte d'envergure de la part des Américains. Sa force aéronavale se trouve réduite de moitié en deux jours. Dans la seule après-midi du 5 Juin 1942, le Kaga, l'Akagi et le Soryu sont coulés lors d'une seule attaque, le Hiryu subira le même sort cinq heures plus tard. De nouveau maîtres des mers, les Américains contre-attaquent à Guadalcanal au mois d'Août 1942, et commencent leur reconquête de l'Océan Pacifique.

Cette guerre, symbole d'un choc des cultures entre deux peuples qui se croient supérieurs, se haïssent et ne peuvent ni ne veulent se comprendre, sera particulièrement atroce et acharnée. Elle se soldera par la seule utilisation de l'arme atomique en temps de guerre, et ne s'achèvera qu'en Septembre 1945 après avoir manqué d'entraîner le peuple japonais au suicide.

Le U.S.S. Arizona sera définitivement coulé et transformé en mémorial, au cœur même de la rade de Pearl Harbor. Visible sur Google Map.

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