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dimanche 4 septembre 2011

Souvenirs de "vacances", tome 4 : les colonies de vacances.

Évidemment. Ça ne paye pas très bien, mais j'adore ce métier d'animateur en colonies de vacances. Bien sûr, aucune photo ni aucun nom d'enfants. Des souvenirs, des anecdotes... Pendant deux et trois semaines, j'ai eu vingt-six et trente-quatre pré-adolescents et adolescents. Des gamins sous ma responsabilité, le bien le plus précieux de ces parents abandonnés lâchement sur le quai de la gare. Un boulot 24h/24. Et le rôle le plus important que peut assumer un être humain : éduquer les générations futures. On mûrit plus en quelques jours de colonies de vacances qu'en un an avec ses parents ou même à l'école. Et on s'attache à ces petites bêtes-là. Et on s'approche des joies et des appréhensions des parents, avec son lot de situations amusantes ou désarmantes. Tous les surnoms ne sont que pure invention, et n'ont même pas été utilisés durant les colos.
 
Ma première, un comité d'entreprise. Trois fois que je pars avec eux. Une fois en hiver, et une fois l'an dernier sur le même séjour avec la même tranche d'âge, les 9-12 ans. Mais cette année, le groupe est plus jeune, moins nombreux et plus sympathique.
 
1°) Je manque de me faire vomir dessus dans le bus.
 
2°) Premier soir. Avant le coucher, le plus jeune vient me voir et me dit "Rémi, je vais faire un coup de blues ce soir, je le sens." Ah... Bon, ben me voilà prévenu. Une demi-heure plus tard, il sort en larmes de la chambre. On s'assoit dans l'escalier et on discute.
_"Qu'est-ce qu'il y a bonhomme ?
_Je v-veux ma ma... ma-man !
_Ben là" (notez le québécois qui ressort) "tu vas t'amuser en colo !
_J-je sais !
_Tu vas te faire plein de copains.
_Je m'en s-suis déjà fait (snif).
_C'est ta première colo ?
_N-non (snif).
_Bah alors ! Pis deux semaines, c'est vite passé.
_M-mais je v-veux pas que ça passe vite ! J'aime être en colo !
_Ben alors quoi ?
_J-Je VEUX MA MA-MAN !" (Gros sanglot)
Et là, je suis censé répondre quoi ?
 
3°) Ma première nuit dehors, enfermé de l'intérieur par les autres partis se coucher (pour des raisons de sécurité sur lesquelles je ne m'étendrai pas mais qui étaient tout à fait justifiées) alors que je préparais les activités du lendemain...
 
4°) Un soir, avant la douche, un de 9 ans, alors que je suis dans le couloir à surveiller la salle de bain.
_"Rémi j'ai perdu mon portefeuille, avec tous mes €uros dedans !
_Ach ! Ben cherche, il doit pas être loin, y'a pas de voleurs dans la colo !" (on y a veillé)
_"Ben oui, mais faut que j'aille me doucher !
_Ok, vas-y..."
Et le gamin, tout guilleret de s'en aller à la douche.
_"Heu, tu y vas tout habillé ?
_Ah bah non."
Il s'en retourne à la chambre. Deuxième essai.
_"Ton shampoing.
_Aaaaah !"
Il s'en retourne à la chambre. Troisième essai. Il entre dans la cabine. Pris d'un doute, je lance :
_"T'as pris un slip propre ?
_Heu..."
Il s'en retourne à la chambre. Quatrième essai.
_"En chaussettes ?" (vous remarquerez ma patience, un peu amusé je dois l'avouer)
_Ah ! Heu..."
Il s'en retourne à la chambre, cul nul, je ne regarde pas. Cinquième essai. C'est la bonne. Cette fois il se douche. Bon, ça m'intrigue cette histoire de fric. Je vais dans la chambre des garçons. Vois le sac à dos du gamin sur son lit. Farfouille un peu dans la petite poche. Dans une déchirure de la doublure, que trouve-je ? Le portefeuille. Il n'avait pas cherché, c'était vraiment accessible. Je le pose sur le lit. Tiens, non d'ailleurs pas sur le lit. Sur un tissu posé sur le lit. Mais... Ce n'est pas un vêtement ça... La serviette de douche ! Le voyant repartir cul nul, je m'étais imaginé qu'il avait posé la serviette dans la douche. Ben non, il l'avait pris à la main, marre de la tenir enroulée à sa taille, et l'avait oubliée en enlevant ses bas... Ah je vous jure.
 
5°) Le gamin qui se retrouve avec une indigestion pour avoir mangé trois fois de lasagne...
 
6°) Un beau matin, alors qu'on essaye de faire habiller tout le monde pour les activités, je vis la porte d'une des chambres des filles s'ouvrir. La gamine regarde d'un œil endormi le couloir. C'est alors que j'entends des éclats de voix dans la chambre. Je jette un regard pour m'assurer que ça ne dégénère pas. C'est bon. Mais j'ai mis mon pied sur la trajectoire de la porte pour éviter de me la prendre sur le nez, au cas où. Et en effet, la demoiselle endormie se décide à refermer la porte, que mon pied arrête. La fillette s'entête, le regard dans le vague. Une fois, deux fois, trois fois. Je la regarde, elle-même fixe le vide. Au bout de la quatrième fois, quand même, elle se dit que quelque chose bloque. Cinq secondes. Son regard se porte lentement vers le bas et s'arrête sur mon pied. Dix longues secondes se passent. J'imagine bien le cheminement de la pensée : "Ceci bloque la porte. C'est une chaussure. Dans laquelle il y a un pied. Un pied qui est relié à une jambe. Etc..." Son regard remonte lentement, très lentement tandis que je réprime mon rire. Elle finit par regarder mon visage. Au bout de cinq longues secondes, son visage s'éclaire, son regard s'allume et elle me sourit. J'explose de rire.
_"Quelque chose me dit que tu n'es pas du matin !
_Nan..." On se bidonne tous les deux.
 
7°) La même fille, le même jour, plus tard. Elle discute, s'anime, s'agite et dans ses gestes flanque une énorme baffe à un manche à balai qui se trouve-là, dans un bruit épouvantable qui ne fait cependant pas chuter l'objet. Paniquée, la gamine se retourne, le visage décomposé, se confond pendant cinq secondes en excuses avant de se rendre compte qu'elle parle à un manche de métal... Moi ? Mort de rire à me rouler par terre.
 
8°) Une des filles s'érafle les jambes en marchant en forêt (cabanes). Le soir, elle me demande de la désinfecter. Je me ramasse donc avec la pharmacie dans la chambre, sous l'œil attentif de la chambrée. Elle m'arrête dans mon élan.
_"Rémi ?
_Mmm ?
_Ca va piquer ?
_À priori, non. C'est fait pour.
_Mouais... Je suis sceptique...
_Sceptique ?
_Ui... C'est pas comme ça qu'on dit ?
_Si si. T'es sceptique donc ?
_Ui.
_Ok."
Je passe la lingette. Il s'avère que ça pique quand même.
_"AÏE ! T'avais dit que ça piquait pas !
_Ca pique pas, ça chauffe !
_Ouille ! Je suis sceptique...
_Ah nan, ça c'est plus possible ! Tu peux plus être sceptique ! Pas aujourd'hui !"
_(interloquée) "Pourquoi ?!
_Parce que je viens de te passer de l'antiseptique !"
J'ai été viré de la chambre sous les huées, les rires et les polochons.
 
8°) Depuis cette aventure, les lingettes antiseptiques ont été surnommées "instruments de torture", et moi "tortionnaire en chef". Fait qu'un petit bobo à soigner un soir dans une chambre, c'est moi qu'on appelait quand même parce que du fond de la douleur, j'arrivais à faire rire tout le monde. On m'appelait : "Rémi ! Y'a Machin à torturer !" Et moi de débarquer, matériel en main, en dansant à l'amérindienne et en sautant de joie.
 
9°) Faute de place à l'étage, je dormais dans une autre aile du bâtiment, et il fallait sortir dehors pour rejoindre ma chambre. Ca me gênait sur un plan professionnel et personnel. Merde, je suis trop loin s'il se passe quelque chose. Y'a les animatrices ok, mais bon, voilà, quoi... Je suis pas sur le terrain. Par deux fois des enfants sont venus me réveiller quand même, bravant le froid extérieur (on était en montagne) et la peur du noir. Une fois parce que le gamin était malade et avait déjà réveillé les animatrices la veille (ben oui, pas toujours aux mêmes, gniark gniark...), l'autre fois pour un coup de blues et c'est moi qu'on réclamait.
 
10°) Cet enfant, un peu niais avouons-le, qui vient me voir le soir de mon congé. Ils avaient passé la journée sur un lac, moi à dormir et à me prélasser. J'étais en forme quand ils sont revenus, et c'est plus fort que moi j'ai animé quand même et aidé sur le temps , toujours délicat, des douches. C'est à ce moment que le bambin vient me voir, arbore son plus beau sourire niais.
_"Rémi, ça me pique dans le dos..."
_Mm... Fait voir."
Il s'exécute. Les bras bronzés, ok. Le bas du dos blanc, ok. Le dos rouge écarlate... moyen...
_"Dis-moi... Tu t'es mis de la crème solaire ?
_Ui...
_Dans le dos ?!
_...
_Oh ! Oui ou non ?
_Nan...
_Et t'as pas demandé à quelqu'un ?
_...
_Ok je vois... T'as de l'après-solaire ?
_Ui...
_Eh ben c'est parti pour une séance de torture !"
 
11°) La serrure des toilettes qui ferme pour ne plus s'ouvrir. Je libère au ciseau une gamine terrorisée. Je lance dans le couloir.
_"N'UTILISEZ PAS LA TROISIÈME CABINE ! LA SERRURE BLOQUE ! VOUS SERIEZ ENFERMES !"
Je finis ma phrase, me retourne satisfait, juste à temps pour voir un gamin visiblement pressé et distrait entrer dans la-dite cabine et s'enfermer...
 
12°) Moi qui pendant un cache-cache anim' me planque dans un sac poubelle pour me faire trouver dès le premier coup.
 
13°) Les mini couples à la boum (le party), et les garçons qui dansent entre eux et les filles entre elles. C'est mignon à cet âge. Le plus jeune qui me demande, paniqué à la fin du premier slow :
_"Rémi ! Rémi ! Y'aura d'autres selô ?!"
J'écoute, il y en a un qui démarre justement.
"_Oui, tiens écoute.
_Mais y'en aura d'autres ?!
_Ben c'en est un là ! Pourquoi (clin d'œil complice), t'as une fille en vue ?
_Oui, c'est Tite-fée ."
À peine a-t-il achever sa phrase que la-dite Tite-fée (plus jeune fille de la colo) se pointe justement derrière lui avec l'intention de l'inviter. Connaissant l'humeur changeante des marmots sur ce sujet, je lance :
_"Tiens bah comme ça, allez roule !" Et hop, je te le retourne et le pousse dans les bras de sa cavalière, qui l'attrape au vol et l'entraîne sur la piste. Un autre enfant plus vieux (13 ans) d'une autre colonie de vacances rit un peu (pas moi, je souriais), me regarde, sourit lui aussi, les regarde danser. "Ils vont bien ensemble. C'est super mignon." C'est le mot. C'est vraiment craquant. Ti-gamin l'air concentré sur ce qu'il fait, et un peu mal-à-l'aise, et Tite-fée aux anges. L'ado les regarde. Avise une fille de sa colo, se lève, se rassoit, soupire. Dit d'un air las : "Planté par deux gamins ! La honte !" Et s'en va noyer son désespoir dans la limonade. Et toc.
Pendant ce temps, un autre enfant (qui d'ailleurs avait une habitude amusante : dire "Oh ! Prout hein !" au lieu de dire un gros mot, pas mal l'éducation des parents, j'approuve ^^) réclame mon attention. Il vient d'une fratrie dont il est le plus jeune. Et ses grand-frères sont de vrais tombeurs de filles. Toute la colo il a senti le poids de cet héritage, dont lui incombait la tâche de s'en montrer digne. Je m'approche de lui. Il me fait signe et se lève, va trouver une fille plus âgée et l'invite. La donzelle, distraite, accepte. Semble regretter ses paroles mais ne revient pas dessus et l'accompagne sur la piste. Le pré-ado, aux anges, me fait signe de le photographier. Et la photographie à mettre absolument sur le blog aux familles, me demande-t-il après. Pour prouver qu'il l'a fait. Que du haut de ses 10 ans et demi, il a invité une fille.
 
14°) Se faire chambrer. Au sens propre du terme. Grand-Costaud vient me voir, l'air penaud.
_"Rémi, tu peux venir dans la chambre ?
_J'arrive."
On entre. Tous les garçons sont là, dans un silence religieux, en train de contempler l'un des leurs allongé sur le sol et qui se tient la tête.
_"Il s'est cogné contre la fenêtre ouverte en se relevant."
Plausible. C'est déjà arrivé trois fois. Je m'approche quand le grand blessé se relève tout sourire. J'allume. Les douze monstres sont autour de moi, l'air complice. Avant d'avoir eu le temps d'esquisser un geste, je me retrouve avec douze affreux sur le dos. Les quatre plus grands me tiennent chacun un membre, je suis cloué solidement au sol tandis que les autres me chatouillent et s'entassent sur moi.
_"On t'aime bien, on te garde !"
Et là, le directeur qui rentre pour voir d'où viens ce boucan. Entend la dernière phrase. Rit et me laisse me dépatouiller tout seul.
Des surprises comme ça, j'en veux tous les jours !
 
15°) Des larmes, beaucoup, le dernier soir. Plus que je ne voulais. Bon prétexte d'aller charger mon appareil photo. Lorsque j'arrive dans les dortoirs, les enfants me font la remarque, j'ai la trace sur les joues. Les quelques moqueurs se reprennent bien vite lorsqu'eux-mêmes sentent monter les larmes et viennent me voir. On discute, sérieusement. C'est fini. C'était génial.
 
16°) Dernière nuit. Les enfants nous avaient promis une nuit blanche et un bazar monstre. Trop crevés pour ça. Ils ont juste profité de la réunion des animateurs pour étaler leurs serviettes partout dans le couloir. C'était drôle et pas méchant. Ca fait sourire et l'honneur est sauf.
 
17°) Sur l'aire d'autoroute. On pique-nique. Je me trouve à faire la circulation pour atteindre la poubelle, située sur un îlot au milieu du parking. Un Hollandais, qui se croit visiblement déjà de retour sur la voie à 130km/h accélère comme un fou alors que je fais traverser la moitié de la colo. J'avance vers la voiture, en regardant le conducteur qui continue d'accélérer. "Laisse tomber Ducon. Y'a des enfants derrière moi et ils peuvent pas tous se ranger. Faudra que tu m'écrase d'abord pour les atteindre. Si tu veux faire du mal à mes gamins, il faudra me tuer." Il pile. Son pare-choc touche mon tibia. La scène a duré deux secondes. Face-à-face. Si les yeux pouvaient tuer, l'un de nous deux serait mort. Je rapatrie les enfants en sécurité et prend mon temps pour libérer le passage. Au-dessus de moi, un panneau "30km/h Parking, Attention aux piétons !".
Une minute plus tard, je vais pour prendre mon dessert, et avise Ti-bouchon qui s'enligne pour traverser. Je fais signe d'attendre et lui dit à haute voix. La table est à dix mètres de la route. On se croise. Connaissant sa distraction, je lui répète à haute et intelligible voix "Ti-bouchon, je prends mon dessert j'arrive." Il continue en accélérant un peu et en chantonnant. J'allume et m'arrête. Une fraction de seconde. J'avise la voiture qui fonce comme mon Hollandais de tout-à-l'heure. J'avise Ti-bouchon qui n'a rien entendu ou rien écouté et qui marche d'un bon pas droit devant lui, et qui n'est plus qu'à trois mètres de la route et qui accélère encore au rythme de sa chanson. Je blêmis. En deux pas je suis sur le gamin, le pogne assez violemment merci et le retiens, tandis que la voiture passe.
_"OH ! TI-BOUCHON ! T'ES SOURD ?! LA VOITURE ! ON EST SUR UN PARKING ! JE VIENS DE TE DIRE D'ATTENDRE !
_Rémi ?! Tu m'as parlé ?! J'ai pas entendu ! Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que j'ai fait ?
_LA VOITURE ! TU AURAIS PU TE FAIRE ÉCRASER !
_Non ?! Où ?! Rémi ! Pourquoi tu cries, t'es en colère ?"
Il a rien vu. Enfermé dans sa bulle d'innocence, il n'a rien vu de la situation. Merde, là j'ai pas géré. Du tout. Je vois à son visage qu'il ne comprend pas. Il vient de comprendre. Il a peur à contrecoup. Je ne sais pas lequel des deux  est le plus proche des larmes, lui ou moi. Je me calme instantanément et me mets à sa hauteur.
_"Oui Ti-bouchon. Je suis en colère. Pas contre toi. Contre moi.
_T'es plus fâché ?
_J'ai jamais été fâché, Ti-bouchon. J'ai crié parce que j'ai eu peur.
_Peur de quoi ?" Il me serre dans ses bras.
_"Peur POUR toi bonhomme. Quand j'ai vu cette voiture et toi qui regardais pas... J'ai eu peur pour toi, t'imagine même pas à quel point.
_C'est ma faute. Maman me dit toujours de regarder quand je traverse. T'aurais eu des problèmes si je m'étais fait renverser ?
_Oui. Mais ça, je m'en fiche. Complètement. Parce que je m'en fiche de moi. C'est pour toi que j'ai eu peur."
Il s'arrête, me regarde dans les yeux.
_"Tu nous aime à ce point-là ?"
Du haut de ses 10 ans, il a utilisé le "nous" et m'a percé. Oui. Je les aime ces gamins. Pendant deux semaines, j'ai été leur confident, leur éducateur, leur animateur, leur compagnon de jeu. Il peut m'arriver n'importe quoi, rien à faire tant que les enfants n'ont rien. On touche pas aux enfants. On les prend en bonne santé et on les rend pareil aux parents à la fin. C'est notre mission, point. Et au-delà, il y a le fait que je ne supporte pas de voir un enfant souffrir, que toucher et faire du mal aux enfants est, selon moi, le seul crime qui mériterait encore la peine de mort. Ne s'agit pas de les surprotéger, un enfant doit apprendre le danger par lui-même. Il s'agit de surveiller au moins de loin et de les assurer contre les périls qui les dépassent. Situation typique de celle qui a failli se produire. Jamais, plus jamais je ne m'éloignerai de la route quand les enfants sont dans les parages. Tant pis si je ne mange pas.
 
Ma seconde colonie de vacances, une association d'aide médicale. Trente-quatre adolescents de 14 à 17 ans. Des bons moments aussi.
 
1°) La plus jeune qui un jour vient nous voir à table et demande.
_"Mais... Heu... Vous, les animateurs... Vous vous douchez ?
_?! Pardon ?!
_Heu ! Je veux dire, vous vous douchez quand ?
_Ben... Vers deux heures du matin, après la réunion, ou vers sept heure avant votre lever. Pourquoi ? T'imaginais qu'on se laissait crasser toute la colo ?
_Oui... Non... Oh et puis zut, je suis la plus jeune, j'ai que 14 ans !"
"J'ai que 14 ans..." Sa plus grande réplique de la colo.
 
2°) La plus grande, qui me faisait trop tripper avec ses "Tellement !" tout le temps. Je n'entendrai jamais plus ce mot de la même manière.
 
3°) Les innombrables parties d'échecs et de dames. Comment connaître des enfants sans parler. Connaître ou voir sous un autre jour.
Un des plus jeunes, que je considérais comme un chieur et venais de moucher dix minutes plus tôt, viens regarder ma partie contre un grand ado, déjà en prépa mathématique. Je le bats. Le jeune agaçant, qui n'avait rien dit, se propose alors de prendre le gagnant. Je ne refuse jamais de jouer ou de parler à un enfant, fut-ce un que je n'apprécie pas spécialement. On est professionnel ou pas. Il s'installe. Et j'ai découvert un pré-ado d'une grande intelligence et d'une sensibilité certaine, d'un calme et d'une réflexion exemplaires. J'ai gagné les trois parties contre lui car il faisait une erreur, une seule, tandis que moi je n'en faisais pas. Mais il me poussait vraiment à me tordre l'esprit pour le battre. S'est alors installé une compétition entre nous. Nos relations se sont détendues. Mais d'où me viens cette fâcheuse impression que j'ai joué mon autorité sur trois parties d'échecs ? Ai-je gagné son respect en lui démontrant que oui, je lui suis supérieur aux échecs ? Peut-être.
Et ce jeune futur animateur et dessinateur de talent (une bande-dessinée en création, j'attends avec impatience de la voir sortir), grand joueur de dames. Je l'ai battu quelques fois, mais s'asseyant sur son ego il revenait à la charge et me battait plus souvent qu'à mon tour. Jusqu'au jour où je lui ai fait un coup vache. Anticipant ma défaite, j'ai coincé trois de mes pions contre un bord et sa ligne compacte et ai sacrifié les autres. Il s'est ramassé avec plus de pions à prendre, à moi de jouer, sauf que je ne pouvais plus ni bouger un pion (du tout, coincé) ni manger. Match nul. Sa rage, sa déception, sa honte de s'être fait berner de cette manière ont alors explosé ensemble dans un mélange de cris et de rires. Mémorable.
 
4°) La nuit au refuge. Entre deux ados homonymes. À ma droite l'enrhumé qui respirait façon ventilateur, à ma gauche le ronfleur nocturne. Le tout en rythme, s'il vous plaît.
 
5°) Toujours au refuge, l'épluchage des carottes et l'allumage problématique du poële. Grand moment. "Si quelqu'un croque un bout de doigt, c'est le mien !"
 
6°) Au refuge encore. On aperçoit une marmotte. Je le signale discrètement. Arrive alors le reste du groupe, dont deux que l'on entendait à deux kilomètres... L'un d'eux. en criant :
_"Ahgha ! Marmotte !" (17 ans, si, si !) "Où ça une marmotte ? Où ça ?
_Nan mais cherche pas, elle est partie...
_Poutre ! Pourquoi ?"
Va savoir ! ^^
 
7°) Les longues discussions avec le jeune un peu exclu du groupe (bon d'accord, la tête de Turc) sur des sujets qui n'intéressaient pas les autres et qui pourtant n'étaient pas sans intérêt. Et puis pour le calmer lorsqu'il se prenait la moquerie de trop. Un jeune vraiment sensible, différent des autres, mais ce n'est pas pour ça qu'il faut le laisser à l'écart, au contraire, on a partagé des bons moments, et c'est moi qui l'ai mené, à travers Paris, prendre son train pour rentrer chez lui au retour.
 
8°) Le jeune qui sursaute lorsque je lui aboie dessus au détour d'un repas où il ne cesse de faire passer son bras devant moi. Donc de fait, chaque fois que je veux capter son attention, j'aboie. Mon grand regret est de ne pas avoir eu le temps de débarquer dans sa chambre (la plus réticente à se lever le matin) un matin en aboyant à grands cris pour mettre tout le monde debout en sursaut (Comment ça je suis sadique ? Pas du tout !).
 
9°) Les trois mollassons du groupe, venant assister sans conviction à la préparation du feu de camp, et à qui je montre comment, à deux avec une ficelle et une pierre, on peut abattre des branches mortes. Ca, ça leur a carrément plu. L'un d'eux m'a même dit : "Plus tard, je veux être casseur de branches !" Oui... Passe ton Bac d'abord pis parles-en à tes parents aussi...
 
10°) Journée décoration. Le fou rire quand un des jeunes a essayé de faire un chien en ballons qui ressemblait à... à... à quelque chose mais quoi ? Fou rire soudain interrompu par un BANG sinistre suivi d'un "M'enfin ? J'voulais faire un cœur !"  sorti d'un fauteuil et d'un ado recouvert de baudruche éclatée.
 
11°) Ce grand gaillard de 16ans, apprenti maçon de son état mais doux comme un agneau et très sensible, complètement désarmé pour avouer son amour à une belle demoiselle de son âge qui envisage de faire médecine. Bien coaché par nos soins, il s'est lancé. Ils ont formé l'un des plus beaux couples de la colo.
 
12°) La randonnée. Pique-nique sous la pluie (arrivée juste quand on sortait les sandwiches, minuté...). Ne repartent que les motivés. On arrive dans un endroit escarpé. Une marmotte, là, tout près ! Une ado avance alors prudemment vers elle, appareil photo au poing. Elle parvient à s'approcher à moins de deux mètres et prend des photos superbes. Quand soudain, la marmotte saute sur le rocher où se tient la jeune fille et la toise d'un air de dire : "T'es sur mon rocher là. Dégage ou je te mords !" Effrayée par celle qui restera désormais célèbre comme la "Marmotte Psychopathe Tueuse II : le Retour", la jeune bat en retraite.
 
13°) La fille effrayée par une soirée contes d'horreur (plus un plongeon dans les eaux fraîches de l'Isère lors du rafting), qui a été malade toute la nuit.
 
14°) Tous ces ballons partis dans le torrent, juste en bas du centre.
 
15°) Des déguisements... Heu... Remettez ça dans le contexte. ON S'AMUSE ! Mais oui, c'est bien moi... Et non j'ai pas honte.
 
 
 
 
 
 
16°) Ce jeune ado qui m'a tenu une conversation très mûre durant le trajet du retour, me parlant avec entrain de sa suite de vacances, qu'il garderait des bons souvenirs de la colo mais qu'il n'allait pas s'ennuyer, tout ça... Et qui au moment où je lui tends la main sur le quai de la gare s'écroule en larme dans mes bras.

17°) La chambre des plus jeunes, plus fainéants et plus turbulents. Leur porte s'est un jour mystérieusement déboîté, et n'était pas facile à remettre. Un des gérants (le beau gosse pour qui toutes les filles craquent) du centre s'enligne pour la réparer. Tant et si bien que trois des quatre ados se sont retrouvés enfermés, et impossible de trifouiller la serrure. Il a fallu enfoncer, sous les cris d'effroi et d'admiration d'un public féminin tout acquis à la cause du sauveteur...
 
Et j'en oublie. J'aime ce métier.

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