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lundi 23 mai 2011

Commune de Paris (1871) : petit point illustré sur les armées en opposition

Afin que vous vous représentiez un peu les combats qui se livrent au corps-à-corps dans Paris.

I Drapeaux.


À gauche : Un drapeau d'un régiment de la Fédération de la Garde Nationale de la Commune de Paris. Au départ, la Commune utilisait toujours le drapeau tricolore fin Mars 1871, avant d'adopter le drapeau uniformément rouge, qui a flotté jusqu'à la fin sur l'Hôtel de Ville de Paris. Les régiments de la Garde Nationale s'identifiaient par des enseignes militaires, comme ici. L'imaginaire populaire a retenu des drapeaux rouges avec l'inscription "Vive la Commune !" brodée en noir dessus, ou encore des drapeaux rouges brodés d'or "La Commune ou la Mort !" durant la Semaine Sanglante. Peut-être y'en a-t-il eu deux ou trois, pour la provoc'... Personnellement, j'incline à penser qu'il s'agit d'une légende sortie de l'imagination des sympathisants de la Commune. Quant au drapeau rouge, il n'est pas encore le symbole du Communisme, une doctrine qui n'existe pas encore. À l'origine, le drapeau rouge était utilisé par les troupes régulières envoyées mater une révolte pour signifier qu'aucun quartier ne serait fait aux insurgés, et a donc un usage dissuasif. Mais au XIXème siècle, les révoltes ouvrières sont monnaie courante, et le drapeau rouge est souvent arboré, et la menace souvent mise à exécution (en même temps que les révoltés...). Dans les années 1820, le drapeau rouge est récupéré par les ouvriers comme symbole que rien pas même la mort ou la menace ne peut les faire plier. Il devient ainsi le symbole des mouvements populaires. Sa récupération comme symbole politique communiste ne se fait que dans les années 1880.

À droite : Le drapeau tricolore de la IIIème République Française. C'est le drapeau officiel de la France depuis 1794, exception faite de la période de la Restauration (1815-1830) qui vit, avec le retour à l'Ancien Régime, le retour au drapeau blanc fleur-de-lysé de la Monarchie Française. Et l'ironie dans l'histoire, car il y en a une... Nous sommes d'accord que la République assiège Paris, n'est-ce pas ? Connaissez-vous la signification des trois couleurs ? Elles ont été définies dès la Révolution Française en Juillet 1789. Le blanc est la couleur traditionnelle du Roi de France. Le bleu et le rouge sont les couleurs de la ville de Paris... La symbolique étant que la ville de Paris, capitale de la France, récupère et surveille son roi. Avec la fin de la monarchie, la symbolique changea, et l'on parla alors du peuple souverain. Mais quoi qu'il en soit, la République assiège Paris avec un drapeau d'origine parisienne...

II Uniformes.


À gauche : Un Garde National Mobile "Moblot". Capote bleue, pantalon bleu, képi bleu, bandes molletières et chaussures. Ne vous y trompez pas, sur le nombre de combattants, assez peu de Communards avaient un uniforme, les volontaires d'Avril 1871 (après la sortie désastreuse) combattaient en civil. Vous allez voir la grande différence avec l'uniforme régulier (ironie...)

Au centre : Un soldat d'infanterie de ligne "Lignard" de la IIIème République Française (et d'ailleurs, du IInd Empire Français), car oui on se battait encore en lignes de feu à cette époque. Mais plus pour longtemps. Bref. Capote bleu, képi bleu, bandes molletières et chaussures, et pantalon rouge. Seule et unique différence d'avec la Garde Nationale. Je vous laisse imaginer dans le désordre d'un corps-à-corps ou dans la poussière des gravats l'aisance pour distinguer l'ennemi de l'ami. C'est le grand malheur des guerres civiles... On comprend pourquoi les combats cessaient à la nuit ! Quant à ce superbe pantalon rouge, idéal pour se camoufler derrière les coquelicots et pratique pour ne pas se tacher quand on saigne, il a fallu les massacres d'Août 1914 pour que l'Armée Française se décide à envoyer des pantalons bleus à ses hommes. Et la couleur bleu n'a disparu de l'uniforme français qu'en 1929. Et elle ne passera au casque qu'en 1916, dans l'horreur des tranchées. Au niveau uniforme, on était pas mal en retard...

À droite : À titre de comparaison, les soldats allemands avaient une capote et un pantalon vert-bleu sombre, une cape noire, des bottes brunes en cuir, et un casque (brillant et à pointe, certes, mais un casque tout de même).

III Armes usuelles.

On trouvait dans les deux camps l'excellent fusil Chassepot Modèle 1866, chargement au coup par coup par la culasse (premier du genre), qui équipait la Garde Nationale et l'Infanterie de Ligne depuis 1867. Sa portée efficace était de 200m. et la balle pouvait porter à un maximum de 1.200m. ! C'est la première arme d'infanterie à pouvoir tirer au-delà du kilomètre. En face, les Prussiens avaient le Dreyse Modèle 1862, également à chargement au coup par coup à la culasse, mais avec une portée efficace de 100m. et une portée maximale de 600m.... Sur ce terrain-là, on avait une longueur d'avance, et ça a coûté très cher à l'infanterie prussienne durant la Guerre de 1870. Il faut aussi l'imaginer avec la longue baïonnette Rosalie (30cm.) règlementaire.

Chassepot modèle 1866

Beaucoup de Parisiens qui se battaient pour la Commune n'étaient cependant pas équipés du précieux Chassepot, et il avait fallu ressortir des arsenaux le bon vieux Fusil à Tabatière de 1851, à chargement par le canon, qui portait à 75m. efficacement, et à 300m. au maximum. Et toujours la baïonnette à imaginer. Et ce n'était pas inutile car on en arrivait souvent au corps-à-corps.

Fusil à Tabatière modèle 1851

Les officiers et certains riches particuliers étaient équipés du réglementaire Lefaucheux 1870, calibre 11, revolver de Marine à six coups, portée efficace de 10m..

Lefaucheux modèle 1870
IV Artillerie.

Là, ça péchait sérieusement comparé aux Allemands. Ceux-ci disposent des canons Krupp aux divers calibres (supérieurs à ceux de l’Armée Française), à chargement par la culasse (les français se chargent encore par la gueule), en acier et rayés (la France privilégiait encore le bronze à âme lisse), et à une portée efficace près une fois et demi supérieure à celle de leurs homologues français... C'est simple, c'est l'artillerie prussienne qui a gagné toutes les batailles de la Guerre de 1870 !

Les deux camps avaient des pièces similaires, à ceci près que les Parisiens étaient fiers de LEURS canons, fabriqués durant le siège de 1870 avec le bronze fondu des grilles, des bancs et des statues de Paris, et les munitions achetées avec les donations des Parisiens. C'est pour ça qu'ils se sont fâchés le 18 Mars 1871 quand Thiers a voulu les prendre... Il s'agissait de canons de 4 livres calibre 12.

Canon de 4 livres, calibre 12

Il y avait aussi les pièces de Marine de 270mm., qui tiraient des obus à 3.000m.. Les plus puissantes pièces d'artillerie en possession de la France à l'époque. Les Parisiens en avaient durant le siège de 1870 parce qu'une unité d'Infanterie de Marine s'était trouvée prise dansP aris par les hasards de la guerre, et leur canon avait servi à riposter aux bombardements allemands depuis les forts. Le régiment était reparti avec son canon en Février 1871, mais pour le coup, Thiers lui a fait faire demi-tour pour l'occasion et il se retrouve à Versailles pour bombarder les forts et les remparts de Paris...

Pièce de Marine de 270mm.

Et une innovation dans la guerre... J'ai nommé la mitrailleuse Montigny-Fafschamps de Reffye. Commandée par Napoléon III en 1868, elle équipe les armées françaises dès 1869. La France devient alors le second pays (après le Royaume de Belgique, qui les a mises au point) en Europe à s'en doter. Mais elles sont très mal employées durant la Guerre de 1870. Elles sont en effet utilisées comme canons à balles et couplées avec les batteries d'artillerie pour abattre les servants adverses lors des duels d'artillerie. Déjà que les canons française ont du mal à rivaliser avec leurs homologues allemands, alors une mitrailleuse qui tire à 900m. !... Elle obtient ses meilleurs résultats dans les retraites en fin de bataille, lorsque des unités d'infanterie se décident à les utiliser pour couvrir la retraite de leurs compagnons. Elles fauchent ainsi plusieurs régiments prussiens lancés à la poursuite de l'armée française. Le 16 Août 1870, la mitrailleuse est pour la première utilisée volontairement en combat de première ligne lors de la Bataille de Saint-Privat/Gravelotte, lorsque les soldats prussiens se lancent à l'assaut du village de Saint-Privat en parcourant 600m. à découvert sous le feu des Chassepots et des mitrailleuses. On peut raisonnablement attribuer aux mitrailleuses la mort de 3.500 Prussiens en trois heures sur les 5.500 tués de la journée. Malgré tout, c'est encore l'artillerie prussienne qui l'emporte. Durant la Commune, les Parisiens en ont quelques unes et les utilisent excellemment dans les barricades devant les rues. Versailles n'est pas en reste mais préfère utiliser les canons pour détruire les barricades. Les mitrailleuses serviront à massacrer 4.000 prisonniers au Bois de Boulogne. Il faudra attendre les Nazis et les Soviétiques durant la Seconde Guerre Mondiale (1939-1945) pour renouer avec de telles pratiques... Et celle-ci, vous pouvez la voir dans la Cour d'Honneur de l'Hôtel des Invalides à Paris, et elle a probablement servi durant la Commune.

Mitrailleuse Montigny-Fafschamps de Reffye "Canon à Balles"

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