C'est
en Première Classe que les différences entre le R.M.S. Titanic et le
R.M.S. Olympic sont les plus flagrantes. Thomas ANDREWS, prenant en
compte toutes les remarques des passagers de l'Olympic et ayant eu de
nouvelles idées, s'est surpassé pour embellir le navire, faisant du
Titanic le navire le plus luxueux de son temps.
Voyons
tout d'abord les luxueuses installations de la Première Classe. Déjà,
petite note sur les ponts pour s'y retrouver. Le Titanic est divisé huit
ponts, un pont équivalent à un étage. De haut en bas :
_Pont supérieur ou Pont des Embarcations. Où se trouvent le gymnase, les cabines des officiers, la passerelle.
_Pont A, le pont de Première Classe.
_Pont B.
_Pont C.
_Pont D, là on rentre dans la coque en elle-même.
_Pont E.
_Pont F, dernier pont de cabines.
_Pont G, sur plusieurs étages, se trouvent là les chaudières et les cales.
Cliquez pour agrandir le plan.
Commençons
par ce que les passagers voyaient en premier en arrivant sur le navire :
le Grand Escalier avant. Surplombé d'une coupole de verre dans le plus
pur style Belle Époque, l'escalier en lui même est tout en bois, en
laque et en dorure. Le palier entre le Pont A et le Pont B est orné
d'une magnifique horloge, tandis que la rampe au Pont B est décoré avec
un ange en bois sculpté. Cet escalier descend jusqu'au Pont F et aux
installations sportives, tout en s’étrécissant. Les marches sont en
marbres. À l'arrière un autre escalier de luxe un peu plus étroit et un
peu moins grand descend jusqu'au Pont D. Il est moins décoré. Le Grand Escalier dispose, sur son côté, de trois ascenseurs pour descendre jusqu'aux installations sportives de l'entrepont. Ces photographies ont été prises sur l'Olympic en 1913, après que la White Star Line l'eut fait reconstruire à l'identique de celui du Titanic.
Tiens, parlons un peu des installations sportives.
Le R.M.S. Titanic
dispose d'un gymnase, sis derrière la cabine de télégraphe sur le Pont supérieur. Il était également accessible aux passagers de Seconde
Classe. Un moniteur de sport, équivalent de ce qu'on appellerait
aujourd'hui un coach est chargé d'organiser des sessions "cardio". Il
s'agit de Thomas McCAWLEY (1876-1912).
Extérieurement,
je vais vous envoyer vers l'article suivant. Intérieurement, il
ressemblait à ça. Les deux clichés où l'on voit du monde ont été pris
par le photographe irlandais Francis "Franck" BROWN (1880-1960),
embarqué à Southampton et débarqué à Queenstown, celui à qui nous devons
la photographie de BRIDE à son poste et celle du Titanic
quittant Queenstown. Il a également pris de nombreux clichés de la vie à
bord durant le premier jour de la traversée. Les autres clichés ont été
pris durant la construction du navire.
Remarquez
la carte sur le mur. Les amateurs d'Histoire géopolitique ne manqueront
pas de remarquer les zones plus sombres qui correspondent à l'Empire
britannique et au Commonwealth en 1912 (Canada, Inde, Afrique, Australie, possessions en Chine, etc...). C'est toujours amusant ce genre de détail, non ?
Le
brave homme sur le rameur est vraisemblablement un passager de Première
Classe. Sous réserve, je dirais bien qu'il s'agit du major Archibald
BUTT, mais je n'en suis pas sûr.
Les
gens qui pédalent sur les vélos d'appartement sont un passager de
Seconde Classe, l'écrivain Lawrence BEESLEY (1877-1967), et une amie venue lui dire
au-revoir. La photographie a vraisemblablement été prise à Southampton
le Mercredi 10 Avril 1912 à 9h10 (regardez la pendule) car c'est la
seule heure qui correspond à une période d'embarquement.
Le Titanic est également équipé au Pont F (on y accède par le Grand Escalier) d'une piscine, de Bains turcs et d'un court de squash.
La
piscine est une installation nouvelle mais qui existe déjà sur plusieurs
paquebots. Mais celle du Titanic, de 10 mètres de long, 4,3 mètres de
large et 1,8 mètre de profondeur est la plus grande du moment et la plus
luxueuse, toute de marbre. Elle est remplie d'eau de mer, vidée par
gros temps. Des cabines de change sont à disposition des passagers. Des
créneaux horaires sont instaurés en journée suivant le sexe (les lieux
de baignade n'était pas mixtes dans la société de 1912) et les cabines
afin d'éviter la surpopulation, il y a même un créneau pour la Seconde
Classe en début d'après-midi. Les hommes de Première Classe y ont tous
accès entre 6h30 et 8h30 le matin, ce qui leur fait deux créneaux.
À
côté de la piscine se trouvent les Bains turcs (équivalent du Spa
actuel), équipés pour le repos et de caissons-vapeurs électriques. Enfin,
le court de squash. Nouveauté très populaire sur l'Olympic,
l'organisation en a été améliorée sur le Titanic. Il faut prendre un
ticket auprès du Commissaire de Bord Herbert McELROY (au poste du Pont D
au Grand Escalier), valable une heure, bien que l'on puisse rester plus
longtemps si personne n'attend son tour, ce qui apparemment n'est jamais
arrivé tant l'installation était populaire. Un moniteur de squash,
Frederick WRIGHT (1888-1912), est chargé de veiller aux rotations mais
également de dispenser des cours ou de servir de partenaire.
Les
cabines de Première Classe, si elles sont toutes luxueuses, sont assez
variées. Les prix varient de 30£ à 870£ de 1912 (1.500£ à 45.000£
d'aujourd'hui, quelque chose comme 2.000€/60.000€, 2.200$/65.000$). En
effet, certaines familles très aisées ne le sont pas au point de
s'offrir des suites de luxe. La décoration des lambris varie suivant le
style, le bois et les couleurs utilisées en dépendant. Il y a le style Adam (acajou blanc), Régence (acajou doré), Louis XVI (noyer, chêne et sycomore doré et blanc), Louis XV (chêne sculpté gris), Louis XIV (chêne sculpté), Géorgien (noyer moulé), Empire (blanc doré et soieries), Hollandais (chêne et sycomore), Queen Anne (acajou et soie), et Renaissance (citronnier). Cela influe fortement sur le choix des cabines pour la haute société !
Rappelons
que l'hygiène n'est pas encore une activité quotidienne de l'époque, et
dans un tel étalage de luxe l'absence de salles de bain et de toilettes
pourrait choquer notre éthique du XXIème siècle. Même les suites les
plus luxueuses ne disposent que d'un lavabo permettant les ablutions
nécessaires. Cela étant, le Titanic est en avance sur son temps car il
dispose d'une salle de bain au centre du Pont B, où l'on peut réserver
une baignoire pour une heure ou une cabine de douche. Il y a même des
cabinets de toilette à chaque pont, ce qui limite l'usage des pots de
chambre à vider par le hublot (en usage à l'époque). Deux cabinets au
Pont B, un au Pont A.
Il
y a les suites pour multimillionnaires, pour 870£, au Pont B à l'avant.
Elles sont au nombre de deux et occupent tout l'espace qui leur est
attribué. Elles sont divisées en trois parties et disposent d'un pont
promenade privé ouvert de 15 mètres de long (en bas à gauche). Elles
sont partagées en trois parties, trois cabines en une. Il s'agit de la
Suite B-52/54/56 et de la Suite B-51/53/57. Pour l'anecdote, dans le
film "Titanic" (1997) de James CAMERON, Rose DEWITT-BUKATER, sa
mère et son fiancé occupent l'une de ces suites, la B-52/54/56, qui
était en réalité celle de Joseph Bruce ISMAY en personne ! Sur le
montage-photo, en haut à droite, il s'agit du salon de la Suite
B-51/53/57, mais les deux étaient très semblables.
Il
y a les suites et cabines luxueuses, qui ne sont néanmoins pas celles
pour les multimillionnaires. Elles couvrent généralement deux ou trois
cabines habituelles, parfois d'un pont promenade intérieur. Elles
s'étendent au centre du Pont B et leur prix est compris entre 200£ et
500£ suivant la possession ou non de pont privé.
Enfin,
les cabines les plus modestes, entre 30£ et 150£ suivant l'éloignement
des salons, une pièce ou deux, richement décorées néanmoins, à l'avant
du Pont C.
La
Première Classe dispose également d'un barbier-coiffeur, partagé avec
la Seconde Classe, près des cuisines et de l'Escalier arrière, au Pont
E.
Extérieurement,
les passagers de Première Classe disposent du Pont A pour prendre
l'air. Ce pont longe les superstructures du navire et est équipé de
nombreux transats pour se prélasser durant la croisière. Tous ces
clichés ont été pris par Francis BROWNE. J'ignore qui est le marin
moustachu que l'on voit. Le couple, je parierais sur les époux HAYS,
sous réserve, ce n'est qu'une supposition étayée par d'autres
photographies. En revanche, je suis sûr et certain de l'identité du
garçon qui joue au shuffleboard (sorte de curling se jouant sur le pont d'un navire): il s'agit de Robert Douglas
SPEDDEN (1905-1915), qui s'amuse avec son père Frederic Oakley SPEDDEN
(1867-1947), riche employé de banque américain qui voyage avec son
épouse Margaretta Corning "Daisy" STONE-SPEDDEN (1872-1950), absente de la
photographie, et donc son fils unique Douglas.
Le
Pont supérieur, libre d'embarcations, était également disponible pour
la promenade, voir la passerelle de commandement et accéder au gymnase
depuis l'extérieur.
La Première Classe se distingue également par ses grands salons.
Le
fumoir du Pont A (à gauche sur la photo), gigantesque et magnifique, où se réunissaient les hommes après le souper pour y discuter et
jouer aux cartes, parfois jusqu'à des heures avancées dans la nuit. Les
épouses étaient priées de ne pas y mettre les pieds. Étiquette de la
haute-société oblige, même s'il semble que Molly BROWN et Helen
Churchill CANDEE, féministes activistes y aient fait une apparition
remarquée au soir du Vendredi 12 Avril 1912 pour "souhaiter bonne nuit à
ces hommes" tout en leur rappelant que leurs épouses se languissent
dans leurs suites... Le fumoir était également équipé d'une fausse cheminée en vrai marbre surplombée d'un tableau représentant le port de New York.
Le
Grand Salon du Pont A (en haut à droite), lieu de réunion pour discuter
et se rencontrer durant la journée, lieu de vie donc, qui pouvait se
transformer en église les jours de messe. Il était attenant au Salon de
Lecture et d’Écriture, garni d'une belle bibliothèque, où l'on pouvait
lire en silence et à son aise, ou rédiger son courrier.
Enfin,
le Salon de Réception du Pont D (en bas à droite), parfois appelé Salon
de Thé car... c'est à ça qu'il servait ! Le thé y était servi entre 16h
et 17h00 et l'orchestre y jouait dans les mêmes horaires puis de 20h à
21h15 quand ces dames y revenaient pour le transformer en une sorte de
fumoir au féminin. C'était la seule salle du Titanic équipée d'un piano à queue (Stainway). Il était attenant à la Salle à Manger.
De
l'autre côté de la Salle à Manger se trouve le Salon du Personnel. Les
domestiques se mêlaient ici au personnel de l'équipage à leurs heures
perdues.
Il
y a une Salle à Manger en Première Classe, au Pont D (en bas à droite),
les repas sont compris dans le prix du billet. D'une capacité de 554
personnes, avec 115 tables pour 2 à 12 convives, c'est là que des dîners
d'honneur sont organisés ou que le commandant fait honneur à une table.
Les enfants de moins de 12 ans n'y sont admis que s'il y a de la place
(les gouvernantes les font en général manger en cabine).
Sinon,
les passagers de Première Classe peuvent se restaurer à leurs frais au
Café-Véranda du Pont A (en haut à droite, avant que l'on y installe les
plantes) qui offre un cadre exotique assez plaisant avec de nombreuses
plantes tropicales sous serre.
De
même, ils peuvent se mêler aux passagers de Seconde Classe dans le
Restaurant à la Carte (au centre à gauche) ou le traverser pour
atteindre le charmant Café parisien (en haut à gauche, avant que l'on y
installe les plantes grimpantes) très prisé à l'arrière du Pont B.
La
nourriture de toutes ces salles est fournies par les cuisines du Pont
D, ultramodernes pour l'époque, qui sont communes à la Première et à la
Seconde Classe. Le cliché où les mitrons sont à l’œuvre est encore pris
par Francis BROWNE.
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