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lundi 16 avril 2012

Avril 1912 - Avril 2012 : Il y a cent ans... le R.M.S. Titanic. 14°) Lundi 15 Avril 1912, naufrage.

À 1h20, l'évacuation s'accélère. Partent simultanément le canot n°10 à bâbord et le canot n°9 à tribord, tous deux de 65 places mais respectivement chargés de 45 et 34 personnes (LIGHTOLLER refuse toujours de laisser monter les hommes à bâbord).

À 1h25, mouvement de panique à bâbord. Tout le monde (de toutes les classes) se presse autour du canot n°12. LIGHTOLLER ne parvient pas à contenir la foule, par ailleurs en grande partie dirigée là par ISMAY qui ratisse le plus de monde possible pour évacuer. Quand un homme force le passage pour embarquer, c'en est trop pour l'officier qui fait affaler le canot alors qu'il n'y a que 24 personnes à bord. Au même instant à tribord, un même mouvement de foule se produit autour du canot n°11, mais qui ne dégénère pas du fait que MURDOCH laisse embarquer tout le monde un temps soit peu que les femmes et les enfants passent d'abord. Alice CLEAVER, tenant le petit Trevor ALLISON avec elle, embarque ainsi, séparée de ses employeurs dans la première confusion. Finalement, le canot n°11 est affalé au même instant que le canot n°12 mais avec 58 personnes à son bord, presque plein.

À 1h30, c'est le canot n°14 qui est affalé à bâbord. Le mouvement de foule du n°12 s'étant déplacé d'un bossoir, LIGHTOLLER n'a pas pu suivre et c'est le 5ème officier "junior" Harold LOWE avec le 6ème officier "junior" James MOODY qui se chargent de l'embarquement, sans pour autant se montrer plus clément envers la gente masculine que leur supérieur. Néanmoins, les deux officiers sont jetés dans le canot. MOODY parvient à s'extraire mais ne peut empêcher les gens de se jeter dans la chaloupe. Une femme manque de passer par-dessus bord. MOODY laisse passer une femme avec un châle... qui se révèle être un homme. Un autre monte en forçant le passage. MOODY ordonne alors d'affaler, LOWE n'ayant pas réussi à remonter sur le navire, il prend la direction de la chaloupe. Durant la descente, des passagers et des passagères sautent du pont directement dans le canot. LOWE dissuade ceux qui seraient tentés de les imiter de trois coups de revolver qui vont claquer sur le bossoir au-dessus de la foule. Fin du mouvement de panique. Le canot n°14 touche finalement l'eau avec 42 personnes à bord.
Aucun passager ne fut tué par balle sur le Titanic, n'en déplaise aux films.

À 1h35 à tribord, deux canots sont affalés en même temps. Le n°13 et le n°15. L'évacuation s'accélérant, de plus en plus de passagers montent sur le pont et tentent d'atteindre les embarcations. MURDOCH décide de faire confiance à la galanterie de ces messieurs pour laisser passer ces dames. Lawrence BEESLEY est invité par une de ses amies à prendre place de le canot n°13, ce qu'il fait. Ce sont surtout des passagers de Seconde Classe qui montent à bord des deux canots. Frederick BARRETT, le chef mécanicien est chargé du canot n°13 et, le jugeant assez rempli avec 60 personnes, ordonne d'affaler. Moins d'une minute plus tard, c'est le canot n°15 à pleine charge (65 personnes) qui affale.


 

Cette simultanéité empressée manque de provoquer un accident. Le canot n°13 peine à se dégager de ses cordages et dérive un peu vers l'arrière... juste sous le bossoir n°15 en train d'affaler son canot. Il faut toute l'énergie d'un cri de détresse pour alerter MURDOCH au milieu de la cohue qui règne sur le pont. Le canot n°15 est arrêté à moins d'un mètre au-dessus du n°13 qui parvient à se dégager de justesse avant que le canot n°15 ne touche l'eau. À tribord, tous les canots "Standard" de 65 places sont partis de même que le Canot de Secours de 40 places.


 

À bâbord, le calme rétabli, l'embarquement du canot n°16 commence en même temps que celui des n° 13 et 15. LIGHTOLLER se montre toujours aussi intransigeant, aussi ce sont surtout des femmes de Troisième Classe qui embarquent. À 1h35, le canot n°16 est affalé avec 40 personnes pour 65 places... La gîte prise par le navire sur bâbord gêne un peu la descente, la chaloupe racle la coque et doit en être éloignée à coups de rames.

À tribord, MURDOCH, ayant chargé tous ses canots, peste un temps sur ISMAY qui a fait partir le canot n°1 à vide, puis se dirige vers la proue qui commence à être immergée. En effet, il est temps de tenter quelque chose avec les canots pliables Engelhardt sur le toit de la passerelle. D'un type nouveau, le personnel de la White Star Line n'est pas formé à leur usage. C'est donc en tâtonnant que les officiers, ISMAY (toujours volontaire malgré les brimades) et quelques passagers se préparent à les mettre à l'eau. Déjà, il faut le faire descendre sur le pont. C'est chose faite pour le canot pliable C avec deux avirons en guise de rail. Le radeau est ensuite bossé comme-on-peut sur le bossoir du Canot de Secours n°1. En découvrant la bâche et en dépliant les bords, les marins ont la surprise de trouver quatre passagers de Troisième Classe qui s'y étaient réfugiés ! Sonnés par la descente un peu brutale, ils sont néanmoins indemnes et sont mis à contribution pour manœuvrer le bossoir. Tous les passagers alentours sont de la Troisième Classe, dont beaucoup d'enfants de moins de 12 ans. Le temps que les femmes et leurs enfants embarquent, les hommes sont allés s'affairer à bâbord emmenés par le second WILDE. MURDOCH est pour ainsi dire seul à la manœuvre avec un marin et ISMAY. Le radeau peut contenir 49 personnes, il est chargé de 42 passagers et hommes d'équipage. Au moment où la descente commence, le courage (à défaut du sang-froid) de Bruce ISMAY l'abandonne et il saute dans la chaloupe. Une fois le radeau à l'eau, le président de la White Star Line prit une rame et tourna le dos au Titanic. Il pleura durant tout le reste du naufrage, sans jamais plus oser regarder en arrière. Le canot C fut le dernier mis à la mer correctement à tribord, tandis que l'eau submerge définitivement la proue, accélérant de plus en plus l'inondation du navire et son naufrage, tout en se rapprochant de la passerelle où se trouvent les derniers canots.
 

 

Du côté bâbord, LIGHTOLLER est toujours aussi revêche à laisser monter les hommes. Pourtant, il ne reste presque plus que ça sur le pont. Résultat, à 1h45, le Canot de Secours n°2 part sans être guère plus rempli que son collègue le n°1, avec seulement 18 personnes pour 40 places, dirigé par le 4ème officier "junior" Joseph BOXHALL. C'est alors qu'on se souvient du canot n°4, toujours suspendu à son bossoir avec 35 passagers à son bord depuis le début de l'évacuation... Il est finalement affalé à 1h55, une heure après son chargement. C'est alors que certaines personnes, ne voyant plus aucun canot sur le pont, décident de tenter leur chance à la nage. Quatre mécaniciens et deux passagers sautent ainsi à la mer et rejoignent avec succès le canot n°4 qui est alors le plus proche du Titanic.

Charles LIGHTOLLER imite ensuite William MURDOCH et tente sa chance avec le canot pliable D. Usant du même système d'avirons en guise de rail et le bossant au bossoir n°2, il parvient à le charger correctement, toujours en ne laissant monter que des femmes et des enfants de Troisième Classe, et deux enfants de Seconde Classe : Michel et Edmond NAVRATIL, que leur père a placé aux bons soins des dames à bord tandis qu'il reste sur le navire. À 2h05, le canot D s'éloigne avec seulement 24 personnes à bord pour 49 places.

Mais l'eau monte, toujours plus vite. La proue est totalement sous l'eau, et la mer s'engouffre ainsi par toutes les ouvertures, créant des remous dangereux. À 2h10, SMITH relève les opérateurs BRIDE et PHILLIPS de leurs fonctions. Jack PHILLIPS se permet d'envoyer un dernier message, résigné, signalant l'arrêt de mort du Titanic aux autres navires venant à son secours : "Femmes et enfants à bord des chaloupes. Les derniers instants ne tarderont plus. Priez pour nous.".
 

Sur le pont, le désespoir gagne les passagers encore sur le navire. Tous les canots sont partis. Le boulanger Charles JOUGHIN s'illustre. Passablement imbibé d'alcool (pour se tenir chaud) ingurgité au cours des nombreux aller-retours entre le pont et sa cabine jusqu'à ce que cette dernière soit inondée, il jette les transats et les meubles à la mer, radeaux flottants pour ceux qui veulent tenter leur chance dans les eaux glacés. Pour l'instant, ils ne sont pas nombreux. Trois de mieux se jettent à la mer et sont recueillis par le radeau D. Sur le pont, la plupart des hommes discutent, ayant refusé d'embarquer. John Jacob ASTOR parvient à faire rire le fumoir en commandant au bar (encore en service) un whisky sans iceberg. Benjamin GUGGENHEIM quant à lui a revêtu ses plus beaux atours, a aidé à l'embarquement des canots à tribord et attend désormais la mort dans le Grand Escalier avec son secrétaire Victor GIGLIO. Isidor STRAUS et Ida STRAUS sont vus enlacés sur un transat, Ida ayant refusé de quitter son mari. Une famille en perdition se mêle à cette sereine résignation. Les ALLISON. Bess ayant été prise de panique dès l'annonce du naufrage alors que Hudson allait au nouvelle, elle fut séparée d'Alice CLEAVER et de son fils Trevor dans la confusion. Alice a pu embarquer sur un canot, mais Bess et Hudson, ignorant le sort de leur enfant, ont refusé d'embarquer tant qu'ils ne l'auraient pas retrouvés. Ils se retrouvent donc coincés sur le Titanic avec la petite Loraine.

Sur le haut de la passerelle, on s'affaire toujours à essayer de bosser les deux derniers radeaux avant que l'eau ne monte. SMITH est passé donner ses derniers ordres : "Messieurs, le navire est perdu. Abandonnez le navire. Chacun pour soi et Dieu pour tous. Mais surtout, soyez Britanniques !". Le 1er officier MURDOCH parvient malgré tout à bosser à peu près bien le canot pliable A au bossoir n°1, mais le 2nd officier LIGHTOLLER a moins de chance car le canot pliable B se retourne. Harold BRIDE et Jack PHILLIPS, après avoir dû se battre (et probablement tuer) un chauffeur tentant de leur voler un gilet de sauvetage dans leur cabine, sont désormais sur le pont. En compagnie d'Archibald GRACIE qui, bien que gentleman ayant laissé sa place dans les canots, est bien décidé à tenter sa chance, ils vont aider les officiers avec les radeaux.

C'est alors que le naufrage s'accélère véritablement. L'eau pénétrant par toutes les ouvertures, le Titanic prend soudainement une gîte importante sur l'avant-bâbord. L'eau rejoint les bossoirs. C'est à ce moment qu'un officier se serait suicidé par balle. Si c'est vrai, ce ne peut être que le commandant en second Henry WILDE, dernier officier supérieur à être armé et dont on n'ait plus de nouvelles par après. MURDOCH et le 6ème officier MOODY sont précipités à la mer et donnent leurs ordres d'en bas. Il faut couper les cordes qui retiennent le canot A au bossoir, et vite ! C'est fait, péniblement, le radeau est rempli d'eau jusqu'au banc de nage et 17 personnes parviennent à se hisser à bord et à s'éloigner du remous causés par le navire. Au passage, on tente de retrouver William MURDOCH et James MOODY... sans succès, probablement morts noyés aspirés par le paquebot. Charles LIGHTOLLER a plus de chance. Le canot B n'étant pas encore bossé, il part à la dérive, ventre à l'air. Les deux opérateurs radio, le 2nd officier et Archibald GRACIE parviennent à l'atteindre à la nage, de même que 24 autres personnes qui se tiennent en équilibre précaire sur ce radeau improvisé.
 

 

C'est le début de la fin pour le Titanic. Il est environ 2h15. Toujours adossé au gymnase, le vaillant orchestre fait résonner un dernier hymne alors que la poupe commence à se soulever. Il ne s'agit pas du "Plus près de toi mon Dieu", certes approprié et donc joué dans les films, mais de "Songe d'Automne", pas du tout guilleret celui-là, il est vrai assez proche du "Nearer my God to Thee", et qui salue en quelque sorte la mort du géant des mers. Aucun des membres de l'orchestre ne s'en sortit vivant.
 


À 2h17, Thomas ANDREWS est vu seul au fumoir, calé dans un fauteuil fixé au sol derrière une table qui l'est aussi, résigné à couler avec sa création. À 2h18, dans un claquement strident, les câbles de la première cheminée lâchent et le conduit de 12 mètres de haut s'affaisse dans la mer. À 2h19, la verrière de la coupole se brise, laissant entrer l'eau dans le Grand Escalier.
À 2h24, les lumières clignotent, puis s'éteignent, le naufrage passe de la lumière à l'ombre, la mer illuminée devient soudain lisse et noire comme l'ébène. À 2h30, l'eau a dépassé la troisième cheminée et la poupe est alors surélevée de 11° par rapport à la surface. Les passagers encore à bord tentent de s'agripper à ce qu'ils peuvent, réfugiés sur l'arrière du navire.

À 2h33, un craquement se fait entendre. C'est tout. Les passagers ne voient rien sinon la quatrième cheminée s'affaisser. Seul BRIDE, sur le canot B, affirme que le navire vient de se briser, ce que dément LIGHTOLLER et le reste des témoins au grand complet. Pour eux, le Titanic coule d'un bloc, tout juste a-t-il versé sur bâbord à la fin. Pourtant, le navire s'est bel et bien coupé en deux derrière la troisième cheminée, mais pas de la façon spectaculaire vue par CAMERON (photo). En fait, par un effet de pression/contre-pression, sa partie basse serait restée solidaire suffisamment longtemps pour mettre la poupe à la verticale sans qu'il y ait affaissement, qui aurait été vu par les rescapés. La faille se serait d'ailleurs produite sous l'eau et non pas à plusieurs mètres au-dessus de la surface. Une fois la poupe à la verticale, la proue se serait détachée. (vidéo)




À 2h36, la poupe, à son tour, s'enfonce dans les flots, entraînant avec elle ou précipitant à l'eau les quelques 1.400 personnes encore à bord, dont les cris déchirent la nuit. À 2h40, l'Union Jack de poupe disparaît de la surface des flots. Quelques minutes plus tard, après un voyage de 3.823 mètres à grande vitesse, qui arrache en grande partie les structures arrières, l'orgueilleux paquebot touche le fond de l'Océan Atlantique Nord, en deux parties séparées par environ trois cents mètres.

C'en est fini du R.M.S. Titanic.

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