"La canaille" (1863), d'Alexis BOUVIER(1836-1892).
Dans la vieille cité française
Existe une race de fer,
Dont l'âme comme une fournaise
A de son feu bronzé la chair.
Tous ses fils naissent sur la paille,
Pour palais ils n'ont qu'un taudis.
Existe une race de fer,
Dont l'âme comme une fournaise
A de son feu bronzé la chair.
Tous ses fils naissent sur la paille,
Pour palais ils n'ont qu'un taudis.
C'est la canaille, eh bien j'en suis !
Ce n'est pas le pilier de bagne,
C'est l'honnête homme dont la main
Par la plume ou le marteau gagne
En suant son morceau de pain.
C'est le père enfin qui travaille
Des jours et quelques fois des nuits.
C'est la canaille, eh bien j'en suis !
C'est l'artiste, c'est le bohème
Qui sans souffler, rime, rêveur,
Un sonnet à celle qu'il aime,
Trompant l'estomac par le cœur.
C'est à crédit qu'il fait ripaille
Qu'il loge et qu'il a des habits.
C'est l'artiste, c'est le bohème
Qui sans souffler, rime, rêveur,
Un sonnet à celle qu'il aime,
Trompant l'estomac par le cœur.
C'est à crédit qu'il fait ripaille
Qu'il loge et qu'il a des habits.
C'est la canaille, eh bien j'en suis !
C'est l'homme à la face terreuse,
Au corps maigre, à l'œil de hibou,
Au bras de fer, à main nerveuse,
Qui sortant d'on ne sait pas où,
Toujours avec esprit vous raille,
Se riant de votre mépris.
C'est l'homme à la face terreuse,
Au corps maigre, à l'œil de hibou,
Au bras de fer, à main nerveuse,
Qui sortant d'on ne sait pas où,
Toujours avec esprit vous raille,
Se riant de votre mépris.
C'est la canaille, eh bien j'en suis !
C'est l'enfant que la destinée
Force à rejeter ses haillons,
Quand sonne sa vingtième année,
Pour entrer dans vos bataillons.
Chair à canon de la bataille,
Toujours il succombe sans cri.
C'est l'enfant que la destinée
Force à rejeter ses haillons,
Quand sonne sa vingtième année,
Pour entrer dans vos bataillons.
Chair à canon de la bataille,
Toujours il succombe sans cri.
C'est la canaille, eh bien j'en suis !
Ils fredonnaient la Marseillaise,
Nos pères les vieux vagabonds,
Attaquant en Quatre-vingt-treize
Ils fredonnaient la Marseillaise,
Nos pères les vieux vagabonds,
Attaquant en Quatre-vingt-treize
Les bastilles dont les canons
Défendaient la vieille muraille.
Que d'étrangleurs ont dit depuis :
Défendaient la vieille muraille.
Que d'étrangleurs ont dit depuis :
"C'est la canaille, eh bien j'en suis !"
Les uns travaillent par la plume,
Le front dégarni de cheveux.
Les autres martèlent l'enclume,
Et se saoulent pour être heureux.
Car la misère en sa tenaille
Fait saigner leurs flancs amaigris.
Les uns travaillent par la plume,
Le front dégarni de cheveux.
Les autres martèlent l'enclume,
Et se saoulent pour être heureux.
Car la misère en sa tenaille
Fait saigner leurs flancs amaigris.
C'est la canaille, eh bien j'en suis !
Enfin c'est une armée immense,
Vêtue en haillons, en sabots,
Mais qu'aujourd'hui la France
Appelle sous ses drapeaux.
On les verra dans la mitraille,
Ils feront dire aux ennemis :
Enfin c'est une armée immense,
Vêtue en haillons, en sabots,
Mais qu'aujourd'hui la France
Appelle sous ses drapeaux.
On les verra dans la mitraille,
Ils feront dire aux ennemis :
"C'est la canaille, eh bien j'en suis !"
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