Pages

vendredi 18 mars 2011

Les canons du 18 Mars 1871

I Contexte.
Le 19 Juillet 1870, le Second Empire Français déclare (un peu malgré lui) la guerre au Royaume de Prusse et à l'Union Allemande.

Le 2 Septembre 1870 et après une campagne désastreuse parsemée de défaites, Charles-Louis-Napoléon III BONAPARTE "Badinguet" (1808-1873), Second Empereur des Français (1852-1870), est encerclé avec ses troupes à Sedan par les armées du Royaume de Prusse et est contraint à la capitulation.

Napoléon III

Le 4 Septembre 1870, la nouvelle est connue à Paris. Le Corps Législatif, sous la pression des députés républicains qui marchent sur lui à la tête du peuple parisien, décrète la déchéance du Second Empire Français. Le soir-même, depuis le balcon de l'Hôtel de Ville, Léon GAMBETTA (1838-1882) proclame l'avènement de la Troisième République Française.

Le 7 Septembre 1870 est formé le Gouvernement de Défense Nationale, qui se réfugie aussitôt à Tours, laissant la direction de Paris au Préfet de la Seine (Paris n'était pas une municipalité et n'avait pas de maire pour son ensemble), qui est alors le Général Louis-Jules TROCHU (1815-1896). Paris se déclare en état de siège, instaurant un climat de dictature militaire qui ne sied guère en ces temps de fièvre républicaine.

Le 13 Septembre 1870 est créé le Comité Central Républicain des Vingt Arrondissements de Paris, rassemblant les maires des vingts arrondissements, et qui réclament la tenue d'élections municipales pour Paris. Le Gouvernement de Défense Nationale le déclare hors-la-loi et le dissout.

Le 19 Septembre 1870, les bannières de l'Union Allemande apparaissent sous les murs de Paris, qui est cette fois effectivement assiégée. La capitale peut compter pour sa défense sur de puissants remparts  (abattus en 1921) modernisés, qui courent sur le tracé actuel du boulevard périphérique, renforcés par un dispositif de  seize forts qui ceinturent la ville (Fort Couronne de la Briche, Fort de la Double-Couronne, Fort de l'Est, Fort d'Aubervilliers, Fort de Romainville, Fort de Noisy, Fort de Rosny, Fort de Nogent, Fort Neuf de Vincennes, Fort de Charenton, Fort d'Ivry, Fort de Bicêtre, Fort de Montrouge, Fort de Vanves, Fort d'Issy, Forteresse du Mont-Valérien). De ces fortifications ne subsiste que la Forteresse du Mont-Valérien qui se rendra tristement célèbre pendant la Seconde Guerre Mondiale (1939-1945), étant un lieu de prédilection pour les exécutions. Ces fortifications sont défendues par 60.000 soldats d'infanterie de ligne (les "Lignards"), 8.000 marins, et surtout 200.000 Gardes Nationaux Mobiles (les "Moblots"). Par ailleurs, Paris a accumulé beaucoup de vivres, et dispose de fabriques d'armes en parfait état de marche.

Un mot sur la Garde Nationale. C'est une force paramilitaire de maintien de l'ordre. Elle est officiellement créée en 1789 pendant la Révolution Française. Ses membres doivent payer et entretenir leur matériel, ce qui fait qu'elle se compose durant tout le XIXème siècle des diverses classes de la bourgeoisie. Mais en 1870, la situation est telle que le Gouvernement de Défense Nationale proclame sa mobilisation, assure l'entretien du matériel, et rémunère les gardes nationaux à raison d'1,50 Franc par jour. De fait, de nombreux ouvriers quittent leurs ateliers pour s'enrôler.

Du 20 Septembre 1870 au 26 Janvier 1871, Paris soutient le siège sans broncher. Les tentatives de sorties des défenseurs se soldent par des échecs, et ils se résignent à attendre l'Armée de la Loire, formée à Tours par le Gouvernement de Défense Nationale. L'hiver est rigoureux, les vivres et le charbon manquent, on mange les animaux du Jardin Zoologique, les chats, les chiens, les rats, on se chauffe avec le bois des bancs publics, mais on ne se rend pas. Et on résiste. Excédés, les Allemands entreprennent de bombarder Paris systématiquement à partir du mois de Décembre 1871. Mais Paris tient toujours. C'est la "Folie du Siège". Dès Janvier 1871, le Gouvernement de la Défense Nationale est critiqué par les ouvriers parisiens, le Comité Central des Vingt Arrondissements de Paris et l'Association Internationale des Travailleurs (Première Internationale, 1864-1872), qui placardent l'Affiche Rouge, et appellent à la révolution. Les manifestations sont impitoyablement réprimées par l'armée.


L'Armée de la Loire est défaite à son tour, et le gouvernement se réfugie à Bordeaux début Janvier 1871 et commence à négocier l'armistice qui prend effet le 26 Janvier 1871. Cet armistice est lourd de conséquences pour la France :
_paiement d'une indemnité de cinq milliards de Francs-Or, s'ajoutent deux-cents-millions payables par la seule ville de Paris.
_occupation du territoire conquis par les troupes allemandes tant que l'indemnité n'aura pas été versée.
_défilé des forces du Royaume de Prusse sur les Champs Élysée du 1er au 3 Mars 1871.
_désarmement de la Garde Nationale Mobile.
_désarmement et occupation des forts de Paris par les armées allemandes.
_organisation d'élections législatives afin que la paix soit signée par un gouvernement français reconnu par le suffrage universel.

Paris est humiliée. Quatre mois de siège pour en arriver là. Le 8 Février 1871, les élections consacrent le Parti Monarchiste qui prône la paix, aux dépens du Parti Républicain digne héritier du Gouvernement de Défense Nationale. Louis-Adolphe THIERS (1797-1877) est nommé Chef du Pouvoir Exécutif de la Troisième République Française. Ce gouvernement a été élu au suffrage universel à une très large majorité par le peuple français, en majorité rural et lassé de cette guerre désastreuse qui n'en finit pas.

Adolphe THIERS

Le 4 Mars 1871, l'armée régulière de la Troisième République Française est contrainte, sous la pression populaire, d'évacuer les quartiers de Belleville et de Ménilmontant.

Le 8 Mars 1871, les Parisiens vont eux-mêmes désarmer les forts pour emmener les canons sur la Butte Montmartre, devançant la Troupe dont les ordres étaient de les ramener à Versailles.

Le 9 Mars 1871, plusieurs régiments de la Garde Nationale Mobile refusent la démobilisation et encouragent les autres à faire de même, la démobilisation tourne à l'émeute.

Le 10 Mars 1871, le gouvernement s'installe à Versailles, symbole s'il en est du pouvoir monarchique, ce qui ne rassure guère les Parisiens quant à l'intention des politiciens. Thiers s'applique alors à faire exécuter les points de l'armistice, et met fin aux mesures exceptionnelles que la guerre imposait, entre autres le Moratoire sur les Loyers, qui est abrogé, ce qui oblige les locataires à payer les mois en retard. Problème, la majorité des ouvriers parisiens est toujours au chômage technique et ne touche donc pas de salaire. La révolte gronde. Les Gardes Nationaux Mobiles sont démobilisés, les forts désarmés et les derniers canons (en majorité financés et fondus à partir des dons des Parisiens dans le métal des statues de la ville) entreposés sur la Butte Montmartre, qui se transforme en parc d'artillerie avec ses cent-soixante-et-onze pièces rassemblées.


Le 15 Mars 1871 est créé le Comité Central de la Garde Nationale, qui refuse la démobilisation et élit ses propres représentants politiques républicains (au nombre de trente-trois) pour contrebalancer le pouvoir monarchiste qui s'installe à Versailles. Il se répond de l'Association Internationale des Travailleurs, la Première Internationale (1864-1872).

Le 16 Mars 1871, une partie du gouvernement (Thiers en tête) se réinstalle à Paris pour "rassurer" les Parisiens.

II Le soulèvement du 18 Mars 1871.
Dans la nuit du 17 au 18 Mars 1871, Thiers fait falsifier la signature de Georges CLEMENCEAU (1841-1929, Maire du XXème Arrondissement de Paris et médiateur apprécié dans la crise en cours) pour donner l'ordre aux Gardes Nationaux de rentrer chez eux pour la nuit.

A 3h, 6.000 soldats réguliers pénètrent silencieusement dans Paris et quadrillent la capitale. Ils atteignent la Butte Montmartre et s'emparent des canons non-défendus à 6h. Problème : ce sont des troupes d'infanterie, et aucun attelage ne les accompagne, impossible de ramener les canons à Versailles.

Cette situation inattendue bloque la manœuvre, et les soldats restent en attente. A 7h, ordre est donné d'arrêter certains meneurs politiques, mais la Troupe hésite, consciente que l'opération tourne mal, et finalement se replie sans autorisation vers la Butte Montmartre. Parallèlement, le Comité Central de la Garde Nationale, prévenu par les lèves-tôt, appelle aux armes, et c'est la quasi-totalité de la population parisienne qui converge vers la Butte Montmartre. Les Moblots arrivent cependant assez tard, la Troupe est déjà encerclée par les habitants du quartier, qui lui font face désarmés. 

A 8h, le Général Claude LECOMTE (1817-1871), commandant le 88ème Régiment de Ligne, donne l'ordre de tirer sur la foule. C'est l'ordre de trop. La Troupe fraternise avec les Parisiens, Lecomte est arrêté.

Vers 10h, la situation est connue dans les quartiers ouest de la capitale. De nombreux Parisiens, surtout des classes aisées, quittent la ville, craignant avec raison les évènements qui s'annoncent. L'atmosphère est insurrectionnelle.

A 13h, les Gardes Nationaux Mobiles marchent sur l'Hôtel de Ville, et sont rejoints par les réguliers  (pour la plupart d'anciens défenseurs de Paris durant le siège) chargés de les arrêter. 

A 14h, l'ex-Général Jacques Léon CLÉMENT-THOMAS (1809-1871), ancien général réputé pour avoir maté dans le sang la révolte ouvrière de Juin 1848, est reconnu en civil et arrêté.


A 15h, Thiers ordonne l'évacuation des troupes et du gouvernement vers Versailles. L'Hôtel de Ville tombe aux mains de la Garde Nationale Mobile.

A 17h, les généraux Lecomte et Clément-Thomas sont amenés au n°6 Rue des Rosiers (actuelle Rue de la Barre) et fusillés sans procès. Ce sont les premières victimes de l'épopée la Commune de Paris.

A 20h, le Comité Central de la Garde Nationale Mobile est officieusement maître de Paris, bien qu'il n'occupe pas les quartiers ouest (plus aisés). Ses ordres sont alors de barricader le terrain "conquis" mais de ne pas attaquer. Pour l'instant, ses dirigeants cherchent à comprendre le pourquoi de la manœuvre du matin, et attendent la réaction de Thiers, après tout élu démocratiquement. Une marche sur Versailles lui aurait assurée une victoire rapide et surprenante, mais le Comité refuse de prendre l'offensive contre un gouvernement démocratique et va à l'encontre des "suggestions" de ses membres internationalistes.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire