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lundi 7 mars 2011

Mercredi 29 Septembre 2010, le noir me va si bien...

Mardi 28 Septembre 2010, Pavillon Alphonse-Marie PARENT, Université Laval, Québec, Canada. Un jeune homme, tout de blanc vêtu, remonte à pied dans sa chambre, au neuvième étage de l'aile A. Il est 20h45. Il vient de dîner, il est rassasié, motivé et à la fois inquiet et confiant. Dehors, il pleut à verse, le ciel lui-même semblant lui dire "N'y va pas !". Renonçant à se tailler une image digne d'un film hitchcockien et surtout à se mouiller avant ce rendez-vous fatidique, il décide d'emprunter les souterrains. Il est 20h50 quand, débouchant de l'escalier, DVD et ordinateur portable sous le bras, il arrive sous la coupole de verre du pavillon Alphonse DESJARDINS-Maurice POLLACK. Cet homme, c'est moi. Je vais défendre mon projet de mise en scène de la pièce "Le noir te va si bien" (1974), de Jean MARSAN (1920-1977), face au Conseil d'Administration de la Troupe Universitaire de Théâtre "Les Treize". A 20h55, j'accueille du haut de l'étage et d'un "Oh ! Le noir te va si bien !" Rémy, mon ami et collègue, directeur de production, qui sort à son tout du tunnel et me rejoint. Je n'oserai pas trancher sur lequel de nous deux est le plus nerveux, mais je pense être honnête (vu qu'il me l'a lui même fait remarquer aujourd'hui) en disant que c'est moi qui parvient le mieux à camoufler mon stress.

A 21h, la porte du local s'ouvre et nous pénétrons dans une petite pièce accueillante, siège de la troupe. Face à nous, bienveillants, les six membres du conseil d'administration. Après nous avoir énoncé nos droits et permis d'appeler un avocat nos devoirs si nous nous engageons auprès de la troupe, ils commencent la séance de torture. "Qu'est-ce qui vous a pousser à proposer cette pièce ?", "Comment comptez-vous mener votre groupe ?", et autres questions piégeuses. Je commence à réciter mon papier invisible, repris par Rémy que je trouve de plus en plus nerveux. Allez hop ! Le grand jeu ! Je parle avec mon cœur, annonçant sans détours que je réalise là un rêve d'adolescent, glissant ça et là quelques traits d'esprit qui détendent l'atmosphère et parviennent même à dérider le président du vice vice-président. Je prends confiance, parle fort et clair, avec le sentiment que rien ne peut m'arrêter. Rémy, du fond de sa chaise (et il n'est pourtant pas timide, il fait de l'improvisation, juste TRÈS nerveux), acquiesce et précise quelques points entre deux rongements d'ongles. A 21h20, tout est terminé. Ils promettent de nous tenir au courant par téléphone dans la nuit.

Je quitte donc Rémy qui s'en va noyer sa nervosité à l'anniversaire d'une amie au pub universitaire, et remonte dans ma chambre dans le but avoué de raconter en détail cette aventure à mon oreiller. Car je suis un étudiant sérieux, MOI ! Et surtout qui embauche le lendemain à 8h30... Je rapproche le téléphone de la tête de lit et m'endort du sommeil du juste. A xxhxx (ben oui, j'ai pas de radio-réveil pour me donner l'heure la nuit et en couleur), le téléphone sonne. Je trouve le combiné en tâtonnant et réponds d'une voix ensommeillé. C'est Rémy qui, d'une voix très excitée (et un peu alcoolisée), me demande si j'ai des nouvelles. La réponse étant négative, il s'excuse et raccroche. Je me rendors aussitôt. X minutes plus tard (Vingt, soixante, quatre-vingt-dix ? Aucune idée, quand je dors je ne compte pas le temps qui passe...) le téléphone re-sonne ! Je décroche, excité comme un zombi, pour entendre, dépité, la voix de mon cher collègue qui me demande si j'ai essayé de l'appeler... Je lui suggère de déstresser et de dormir un peu, conseil qu'il s'engage sur l'honneur à suivre aussitôt.

La journée du Mercredi 29 Septembre 2010 s'écoule, nerveuse et bien remplie par six heures de cours. La Nouvelle-France d'abord, durant lequel M. LABERGE casse officiellement sa quatrième craie. Le séminaire ensuite, me laissant à peine le temps de dîner. Il est bien tard quand je retrouve mon petit chez moi. Ce n'est pas encore aujourd'hui que je règlerai quelques problèmes administratifs car tout est fermé. Anxieux, je consulte mes mails, ma messagerie téléphonique, rien ! "Pas de nouvelles, bonnes nouvelles !" me dis-je au bord de la crise d'angoisse. Quand soudain, à 19h57, résonne la sonnerie du téléphone. D'une main sûrement tremblante, je décroche d'un air dramatique le combiné couleur de nacre, le secoue d'un geste nonchalant afin de le déboguer (oui, il a tendance sinon à ne pas établir la liaison...) et répond d'une voix assurément chevrotante : "Allô ?". C'est Rémy. A peine a-t-il prononcé un mot que je connais la suite. Sa voix est mortifiée. C'est son deuxième échec d'intégration d'une troupe en un mois, mon premier. Ils l'ont contacté un quart d'heure plus tôt, n'osant pas m'appeler personnellement de peur de ma réaction vu qu'ils ont pu constater que ce projet me tenait à cœur. Délicate attention. Abattu mais digne, je minimise ce revers d'une voix ferme et résignée afin de consoler mon ami visiblement au bord des larmes.

Sincèrement, je n'en veux pas à la troupe. Déjà parce que ce serait orgueilleux et stupide de ma part. Ensuite parce que je suis conscient de la précarité de mon projet. Un budget constitué sur des approximations, un metteur en scène amateur et inexpérimenté qui s'octroie un rôle principal, une pièce longue et ambitieuse, dix projets pour seulement cinq places, et peut-être l'usage pendant l'entretien de termes qui n'ont pas théâtralement le même sens en Europe qu'en Amérique (notamment "improvisation", qui est ici indissociable de "match" ou "compétition", fichue mentalité nord-américaine...). Et pour être tout-à-fait honnête, d'un côté cela m'arrange. Mon emploi du temps déjà lourd ne se verra pas chargé d'une contrainte supplémentaire

J'avoue que je suis tout de même un peu dépité. Je n'ai pas mangé ce soir... Mais bon, c'est bien normal que, déçu dans ses rêves et blessé dans son orgueil (surtout vu la taille du mien), on puisse ressentir des envies de meurtre une certaine déception. Quoi ? Je n'ai pas réussi à convaincre ? Mes talents d'orateur n'ont pas été reconnus ? Ma carrière de maître du monde est compromise ? Tabernak ! Je suis allé me laver de ces mauvaises pensées sous une bonne douche bouillante. Ce soir, je vais dormir comme un bébé ! Dormir deux heures, me réveiller, pleurer, dormir deux heures, etc... dixit John Sydney McCAIN III (1936- ) suite à son échec à l'élection présidentielle américaine de Novembre 2008.


Mais il faut regarder vers l'avenir. Cela va me permettre de mieux profiter de mes temps libres pour découvrir l'Amérique du Nord, et du coup de plus m'engager dans mes autres activités, notamment le sport afin de muscler ce corps de crevette d'athlète encore un peu svelte.
Et de toute façon, JE JURE ET SIGNE DE MON SANG* QU'UN JOUR JE JOUERAI CETTE PIÈCE, SUR MA MISE EN SCÈNE, ET QUE JE TRIOMPHERAI ! MON RÊVE N'EST PAS MORT, ET COMME CE QUI NE TUE PAS REND PLUS FORT, IL EN RESSORT GRANDI. Allez ! Un coup d'antidépresseur Un petit rire forcé et on y retourne.

* C'est très faisable, je n'ai qu'à éponger le mouchoir que je tiens sur ma joue depuis tout-à-l'heure. En effet, ce sont des choses qui arrivent lorsque, en plein rasage avec un rasoir émoussé et en pleine contemplation méditative (sur l'existence du vide, avec un regard digne d'un bovin en train de ruminer) de son reflet dans le miroir, l'un de vos compagnons d'étage éternue très violemment dans le couloir à hauteur de votre chambre. Prenant en compte l'insonorisation digne d'un ampli aux Vieilles Charrettes et... heu... appelons ça un dommage collatéral dû à un sursaut intempestif bien que légitime.

C'est finalement Yolanda GIGLIOTTI "Dalida" (1933-1987) qui résume le mieux le fond de ma pensée ce soir. La détermination teintée de tristesse... "Mourir sur scène" (1984). Difficile de dater exactement ce concert... elle en a donné tellement vers la fin de sa vie !
 
 

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