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lundi 7 mars 2011

Hommage à Jean FERRAT

Ce n'est pas un poème, juste un texte à la mémoire de ce grand homme, écrit sous le coup de la tristesse le soir-même de sa mort, Samedi 13 Mars 2010.


Samedi 13 Mars 2010... Date de sinistre mémoire, à marquer de noir et de rouge sur le calendrier. Jean FERRAT, chanteur, compositeur, poète, communiste engagé, empêcheur de tourner en rond, homme profondément humain et discret, s'est éteint aujourd'hui à l'âge (pas si canonique que cela) de 79 ans, dans son Ardèche bien-aimée, suite à des problèmes pulmonaires récurrents. Vie simple et fin banale pour un homme extraordinaire.

Né Jean TENEBAUM le 26 Décembre 1930, vous passez paisiblement vos dix premières années en région parisienne, jusqu'à ces sombres années 1940. En 1942, vos parents sont raflés et déportés à Auschwitz-Birkenau, vous-même ne devez la vie sauve qu'à un couple communiste. Vous n'oubliez ni les uns ni les autres. Nuit et brouillard rend hommage aux déportés en général et à vos parents en filigrane, tandis que vous dédiez votre vie au communisme et aux gens ordinaires.

« Compagnon de route », comme vous vous définissiez vous-même, du Parti Communiste sans jamais y adhérer, vous prenez par vos chansons et votre attitude discrète et humble la défense des petites gens. Ma môme, Hou-hou méfions-nous, Le sabre et le goupillon, Si j'étais peintre ou maçon, En groupe, en ligue, en procession, Pauvres petits c... ne sont que quelques une de vos chansons qui dérangèrent tant les politiciens politicards bien pensants des années 1960 et 1970. Souvent censuré, vous faites néanmoins de nombreuses apparitions télévisées très suivies, mais vous vous contentez toujours de faire votre métier : chanteur et non politicien. Vous quittez la scène très tôt dans les années 1970, refusant « l'industrialisation du métier » selon vos propres termes, ce qui n'empêche pas les prix musicaux de pleuvoir sur votre œuvre.

Vous visitez Cuba lors de la période glorieuse des premières années de dictature de Fidel CASTRO, et vous en trouvé marqué à jamais, Les guérilleros, A Santiago et Cuba si en sont bien la preuve, illustrant à merveille l'ambiance cubaine de l'époque : la misère mais la confiance en l'avenir.

Soutenant dans l'ombre le Parti Communiste sans pour autant vous plier aux ordres de Moscou, vous chantez la gloire communiste dans, entre autres, Potemkine et La Commune. Et puis c'est la déception des années 1980. Le « bilan globalement positif des pays de l'Est » vous reste en travers de la gorge. Fidèle à vos opinions avant qu'au Kremlin, vous les défendez encore dans des chansons teintées d'amertume : Maria et surtout Camarade.

Mais résumer Jean FERRAT en un chanteur politique, c'est se montrer bien inculte, bien trop politisé, ou bien imbécile. Amoureux de l'Ardèche, vous achetez dès les années 1960 une petite propriété à Antraigues-sur-Volane, petite commune perchée à flanc de montagne et que vous appelez « votre île ». De ces paysages magnifiques, vous écrivez des chansons qui le sont au moins tout autant et mettez en musique les plus beaux poèmes de Louis ARAGON (Communiste lui aussi... et alors ? Vous reprenez ces textes pour leur valeur littéraire et non pour leur engagement.) : Deux enfants au soleil, C'est beau la vie, Heureux celui qui meurt d'aimer, Pauvre Boris (hommage au regretté Boris VIAN, mort de désespoir devant l'adaptation à l'écran d'une de ses œuvres), et bien d'autres, et bien sûr Aimer à perdre la raison, Que serais-je sans toi et La montagne.

Voilà... C'en est désormais fini. Nous ne verrons plus maintenant vos moustaches et votre crinière grises que sur des images d'archive, tandis que vos chansons se teinteront de tristesse. La montagne est dans tous les esprits, tandis que Camarade résonne encore dans les manifestations, de plus en plus nombreuses, contre les injustices que vous condamniez. Vous reposerez comme vous avez vécu, humblement, en Ardèche, au milieu de ces paysages que vous chérissiez et de ces gens que vous aimiez et qui vous le rendaient bien.

Reste maintenant à supporter les discours larmoyants et d'une navrante pauvreté des politiciens au recueillement professionnel, qui regretteront probablement sincèrement le chanteur à la voix grave, suave et juste, et le compositeur de génie qui ne trouve et ne trouvera aucun équivalent parmi les artistes d'aujourd'hui ; mais qui regretteront beaucoup moins le communiste engagé que je pleure aujourd'hui.

En Jean FERRAT, c'est une double idole que je perds aujourd'hui : l'Artiste et le communiste. Et c'est encore un Grand qui s'en va avant que je n'ai eu le temps de le rencontrer, vain espoir d'un jeune homme de 19 ans, peut-être né trop tard, qui se lamente de la décadence de notre société et de notre culture et tient à côtoyer ceux qui la déplorent aussi. Le Jeudi 15 Juin 2006 j'avais déjà perdu Raymond DEVOS, prince des jeux de mots et de la Langue Française. Aujourd'hui c'est Jean FERRAT qui tire sa révérence.

Ainsi va la vie, ainsi va le temps, On ne voit pas le temps passer. Mais qui remplacera ces grands hommes qui disparaissent ? Qui issu des années 2000 voire 1990 peut prétendre leur arriver ne serait-ce qu'à la cheville ? Pauvre France, pauvre Monde... Ma France chantait encore FERRAT. Je me reconnais aussi dans cette chanson, mais la France s'y reconnaît-elle ?

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