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lundi 7 mars 2011

Lundi 27 Septembre 2010, exercice

Alors que j'achevais tranquillement un mail à ma marraine adorée, et que je me préparais à mettre au propre quelques notes, une grêle sonnerie se fit entendre. "Damned !" fis-je "L'exercice incendie normalement prévu pour octobre !" En effet, les petits plaisantins de l'administration venaient d'avancer la date de l'exercice incendie réglementaire. Et ils avaient bien choisi leur heure, 20h15 : la moitié des étudiants aux cuisines, un tiers à la douche, et le reste en train de travailler...

J'entendis l'un des responsables de notre étage (le seul présent) courir dans le couloir et crier en arabe des phrases que je suis bien incapable de retranscrire. Le seul mot intelligible à mes oreilles occidentales étant "Evacuation !" Bien sagement mais, je l'avoue, en toute connaissance de cause, j'éteignis mon ordinateur, enfilai mes tennis et ma polaire, m'emparai de ma sacoche et de mes clefs, et sortis.

Ruée tranquille vers les escaliers. L'un de mes compagnons en serviette jurait horriblement quand, pris dans la foule, il se rendit compte qu'il n'atteindrait jamais sa chambre. A mi-hauteur, dans un claquement sinistre, les lumières s'éteignirent brutalement. L'électricité venait d'être purement et simplement coupée. Évidemment, il s'en trouva un pour jouer au fantôme, et un autre pour rater une marche dans la pénombre et faire un strike sur le palier heureusement non loin, à l'hilarité générale. A tiers hauteur, nous croisâmes quelques agents de sécurité, tuyaux à la main, qui montaient dans les étages et nous obligèrent à nous ranger ce qui ralentit singulièrement la progression. Le spectre du Mardi 11 Septembre 2001...

Arrivés dans le hall, dans un décor de fin du monde, nous nous crûmes en plein film catastrophe. Pas moins de six voitures de police et deux camions de pompier s'étaient dérangés pour le décorum. Et en plus il pleuvait... Une petite femme rondouillarde en gilet jaune chronométrait d'un air professionnel. Je cherchai des yeux Carlos Ray "Chuck" NORRIS (1940- ) prêt à sauver des flammes l'innocente en détresse, avant de me dire qu'il ne se serait pas déplacé pour un exercice et que de toutes façons, s'il avait été dans les parages, l'incendie n'aurait jamais osé se déclarer... Sans avoir besoin d'indications, nous rejoignîmes la foule des autres ailes d'abord, puis le Pavillon Alphonse DESJARDIN, lieu de rendez-vous des évacués afin de dégager les alentours du bâtiment "sinistré". Sous la coupole éclairée et chauffée, avec l'ambiance incendiaire festive distillée par la lumière des gyrophares à l'extérieur, pas moins de cinq cents étudiants s'entassaient déjà et il en arrivait d'autres. Dans un coin, près d'un radiateur déposé là à dessein, se groupaient les malheureux surpris sous la douche et embarqués par la foule. Le feu de la révolte Un grondement de révolte se faisait entendre parmi la majorité de l'assemblée, pestant à cause de leur souper laissé sans surveillance en cuisine. Discret dans la pénombre de l'escalier, un groupe de musulmanes faisait corps (certaines avec un sweet-shirt sur la tête) autour de celles qui n'avaient pas eu le temps de se voiler.

Je retrouvai Manon et Florence, qui elles-mêmes s'inquiétaient du devenir de leur omelette. Nous fîmes d'ailleurs l'amusant constat que l'aile A (la nôtre) serait la première à brûler car située au-dessus des cuisines. Et comme si cette perspective était dramatique, je crus bon de faire remarquer qu'en plus de ça, l'escalier d'évacuation donne juste à côté des cuisines... Je ne parle même pas du fait que je réside à l'avant-dernier étage.

Après quinze bonnes minutes à bouillir à attendre, la petite dame rondouillarde précitée annonça la fin de l'alerte en allumant mettant en marche son mégaphone d'un geste sensuel. Puis, pour raviver la flamme de nos responsabilités nous responsabiliser, elle nous remercia de notre coopération, nous demanda d'être quand même un peu plus rapide à l'avenir, que c'était le seul exercice de l'année et que la prochaine fois ce serait pour de vrai (au moins c'est clair), et... le reste se perdit dans le brouhaha de la foule enflammée énervée qui regagnait ses pénates en maugréant.

Une fois de retour au pavillon, je découvris sans surprise que les ascenseurs étaient engorgés par des pauvres malheureux résidant dans les trois premiers étages. Et youpi, ça tombait bien, j'avais justement envie de faire un peu d'exercice. Allons-y joyeusement pour neuf étages à pince... En passant près des cuisines, j'entendis quelques cris de rage et de désespoir.

C'est ainsi que je suis de retour devant mon écran, j'ai mis mes notes au propre. Bilan de cette soirée chaude animée : la prochaine fois, je prendrai quelques secondes pour prendre (en plus de mes papiers) mon ordinateur (certaines choses enregistrées sont irremplaçables vu que mes clefs USB sont aussi dans ma chambre...) et un sac contenant mes pochettes administratives (afin d'exister officiellement après l'incendie), l'argent contenu dans mon coffre (qui n'est que théoriquement résistant aux flammes), et ma game-boy (irremplaçable et de valeur sentimentale... tout l'argent de l'assurance ne suffirait pas à la remplacer). Le reste peut brûler, ce n'est que du matériel bassement bourgeois remboursable par l'assurance.

Rien à dire sur l'organisation. Comme c'est différent du Lycée Descartes de Tours et d'un certain exercice incendie de 2008. Ceux qui y étaient s'en souviendront. Dans une salle en plein milieu du troisième étage du bâtiment E, sortis en même temps que tout le monde et pourtant derniers dans les escaliers engorgés, nous avions mis vingt-et-une minutes à atteindre la sortie du bâtiment, je ne parle pas du lieu de rendez-vous dans la Cour d'Honneur... La professeur de Latin et nous-mêmes nous amusions à compter le nombre de fois où nos vies se consumaient théoriquement, et de quelle manière. J'ai le souvenir que nous aurions dû y laisser trois fois la vie. Vivent les lycées en centre-ville ! Et pitié pour que jamais un incendie ne s'y déclare !

Pour être honnête, tout cela est nécessaire. Nous avons mis sept minutes à évacuer le bâtiment. Le jour où il faudra le faire pour sauver nos vies, nous serons prêts. Mais quand même... Ca vous gâche une soirée !

Et pour terminer, une chanson populaire d'ambiance : Au feu ! Les pompiers!.


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